L'ennemi de Dieu
de Benoïc. Il y avait des torques d’or, des torques d’argent et des
torques faits d’un mélange d’or et d’argent, de si nombreux torques qu’ils
servaient seulement de base au monceau de trésors entassés. Il y avait des
glaces à main, des flasques et des joyaux, tous romains. Des colliers, des
broches, des brocs, des épingles et des agrafes. Il y avait là la rançon d’un
roi en métal scintillant, en émail, en corail et en pierres précieuses :
le tout, je le savais, arraché à Ynys Trebes en flammes lorsque, dédaignant de
porter l’épée contre les Francs déchaînés, Lancelot avait fui le carnage sur le
premier navire.
Les
applaudissements furent plus nourris encore lorsque arriva Lancelot, dans toute
sa gloire. Comme Arthur, Lancelot était en noir, mais ses habits noirs étaient
ourlés d’ors rares. Sa chevelure noire était huilée et ramassée sur son crâne
étroit et aplatie dans sa nuque. Autant les doigts de sa main droite scintillaient
de bagues en or, autant sa main gauche était couverte de ternes anneaux de
guerriers – mais aucun, me dis-je avec aigreur, qu’il eût gagné dans la
bataille. Autour du cou, il portait un torque d’or massif aux fleurons
étincelants de pierres vives. Sur la poitrine, en l’honneur de Ceinwyn, il
portait le symbole de sa famille royale : l’aigle aux ailes déployées. Il
ne portait aucune arme, car aucun homme n’était autorisé à introduire la
moindre lame dans la salle de Cuneglas, mais il portait la ceinture émaillée
que lui avait offerte Arthur. Il répondit aux hourras en levant la main,
embrassa sa mère sur la joue, Guenièvre sur la main, s’inclina devant Helledd,
puis s’assit.
Il ne restait
qu’une seule chaise vide. Une harpiste s’était mise à jouer, mais c’est à peine
si ses notes stridentes étaient audibles dans le brouhaha de la conversation. L’odeur
de la viande rôtie flottait dans la salle, où de jeunes esclaves distribuaient
des pots d’hydromel. Le druide Iorweth traversa la salle de haut en bas,
formant un couloir entre les hommes assis sur les joncs. Il écarta les hommes,
s’inclina devant le roi, puis agita son bâton pour réclamer le silence.
Un grand vivat
s’éleva de la foule qui se pressait à l’extérieur.
Les hôtes d’honneur
étaient entrés par l’arrière, quittant directement l’obscurité pour se placer
sur le dais, mais Ceinwyn devait entrer par la porte principale et, pour y
parvenir, elle devait d’abord traverser la foule des invités rassemblés dans l’enceinte
illuminée par les torches. Les hourras de la foule accompagnaient sa
progression depuis la salle des femmes, tandis que nous l’attendions en silence
dans la salle du roi. La harpiste elle-même leva les doigts de ses cordes pour
regarder la porte.
La première à
entrer fut une enfant : une fillette vêtue de blanc qui remonta l’allée
tracée par Iorweth pour le passage de Ceinwyn. L’enfant sema des pétales de
fleurs printanières séchées sur les joncs fraîchement posés. Nul ne pipait mot.
Chacun avait l’œil rivé sur la porte, sauf moi, car j’observais le dais.
Lancelot contemplait la porte, un demi-sourire aux lèvres. Cuneglas ne cessait
d’essuyer ses larmes, tant il était heureux. Arthur, le pacificateur,
rayonnait. Seule Guenièvre ne souriait pas. Elle avait simplement l’air
triomphant. Dans cette salle où on l’avait jadis méprisée, elle organisait le
mariage de sa fille.
Tout en
observant Guenièvre, je pris l’os dans ma main droite. La côte était lisse au
toucher, et Issa, qui se tenait derrière moi avec mon bouclier, a dû se
demander ce que pouvait bien signifier ce relief dans cette nuit de pleine
lune, illuminée d’or et de feu.
Je regardai la
grande porte au moment même où Ceinwyn parut et, juste avant que la salle ne
retentît de vivats, il y eut un grand hoquet de stupeur. Tout l’or de la
Bretagne, toutes les reines d’autrefois n’auraient pu éclipser Ceinwyn cette
nuit-là. Je n’eus même pas besoin de me tourner vers Guenièvre pour savoir qu’elle
avait perdu la partie.
C’était, je le
savais, le quatrième banquet de fiançailles de Ceinwyn. Elle était venue ici
une fois pour Arthur, mais il avait brisé son serment sous l’empire de l’amour
de Guenièvre. Puis Ceinwyn avait été fiancée à un prince du lointain pays de Rheged,
mais la fièvre l’avait emporté sans lui laisser le temps de convoler. Puis, il
n’y avait pas
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