L'ennemi de Dieu
tandis que de la porte de
la salle éberluée Arthur nous criait de revenir.
Mais nous
poursuivîmes notre course. Vers le chaos.
Le lendemain,
je pris un couteau tranchant pour tailler les extrémités brisées des deux
fragments d’os, puis, avec le plus grand soin, creusai deux longues rainures
dans la poignée de bois d’Hywelbane. Issa se rendit à Caer Sws pour en
rapporter de la colle qu’on fit chauffer. Puis après nous êtres assurés que les
deux creux correspondaient exactement à la forme des fragments d’os, il ne nous
resta plus qu’à les enduire de colle et à presser les deux bouts dans la garde
de l’épée. « On dirait de l’ivoire, dit Issa d’un ton admiratif une fois
le travail achevé.
— Une
simple côte de porc », répondis-je d’un ton léger. Mais c’est vrai qu’on
aurait dit de l’ivoire et les deux morceaux donnaient fière allure à Hywelbane.
L’épée devait son nom à son premier propriétaire, Hywel, l’intendant de Merlin,
qui m’avait appris le métier des armes.
« Mais ce
sont des os magiques ? voulut savoir Issa avec inquiétude.
— La
magie de Merlin. » Mais je me refusai à toute autre explication.
Cavan vint me
voir à midi. Il s’agenouilla sur l’herbe et inclina la tête, sans desserrer les
lèvres. Mais il n’avait nul besoin de parler, car je savais le pourquoi de sa
venue. « Tu es libre de partir, Cavan, lui dis-je. Je te délivre de ton
serment. » Il leva les yeux vers moi. Mais être libéré de son serment
était une affaire trop grave pour qu’il pût dire quoi que ce soit. Je me
contentai de sourire.
« Tu n’es
pas un jeune homme, Cavan, dis-je enfin, et tu mérites un seigneur qui te
comblera d’or et d’aises au lieu de t’offrir la Route de Ténèbre et l’incertitude.
— J’ai l’intention
de mourir en Irlande, répondit-il, ayant enfin retrouvé sa voix.
— Pour
être avec ton peuple ?
— Oui,
Seigneur, mais je ne puis y retourner en pauvre hère. J’ai besoin d’or.
— Alors
brûle ta planche », lui conseillai-je.
Il sourit,
puis embrassa la garde d’Hywelbane. « Sans rancœur, Seigneur ?
demanda-t-il avec inquiétude.
— Non,
fis-je, et si jamais tu as besoin d’aide, fais-le-moi savoir. »
II se leva
pour me serrer dans ses bras. Il allait retourner au service d’Arthur et
emporter avec lui la moitié de mes hommes. Car vingt seulement choisirent de
rester avec moi. Les autres redoutaient Diwrnach ou étaient trop impatients de
trouver des richesses. Je ne pouvais les en blâmer. Ils avaient gagné des
honneurs, des anneaux de guerrier et des queues de loup à mon service, mais peu
d’or. Je leur donnai la permission de garder les queues de loup sur leurs
casques, car ils les avaient bien gagnées dans les terribles combats de Benoïc,
mais je leur fis peindre sur leur bouclier les nouvelles étoiles.
Les étoiles
étaient pour la vingtaine d’hommes qui restaient avec moi, et ces vingt
gaillards étaient les plus jeunes, les plus forts et les plus aventureux de mes
lanciers, et les Dieux savent qu’ils avaient besoin de l’être, car en brisant l’os
je les avais engagés sur la Route de Ténèbre.
J’ignorais
quand Merlin nous appellerait et j’attendis donc dans la maisonnette à laquelle
Ceinwyn nous avait conduits au clair de lune. Elle se trouvait au nord-est du
Dolforwyn, dans une petite vallée si encaissée que les ombres ne quittaient
point le ruisseau avant que le soleil ne fût au milieu de sa course dans le
ciel du matin. Les flancs raides de la vallée étaient couverts de chênes, mais
la maison était entourée d’un patchwork de champs minuscules où avaient été
plantés une vingtaine de pommiers. La maison n’avait pas de nom, la vallée non
plus. On l’appelait simplement Cwm Isaf, la Vallée inférieure, et c’était
désormais notre demeure.
Mes hommes se
construisirent des cabanes sur la pente sud de la vallée. Je ne savais comment
j’allais pouvoir subvenir aux besoins de vingt hommes et de leurs familles, car
la fermette de Caer Sws aurait eu le plus grand mal à nourrir un mulot, sans
parler d’une bande de guerriers, mais Ceinwyn avait de l’or et, me promit-elle,
son frère ne nous laisserait pas mourir de faim. La ferme, m’expliqua-t-elle,
avait appartenu à son père : l’une des milliers de fermes éparpillées qui
avaient fait la richesse de Gorfyddyd. Le dernier fermier était un cousin du
fabricant de bougies de
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