L'ennemi de Dieu
et la
soutenant. Et, assez curieusement, elle l’éloignait de la direction qu’elle
voulait prendre. Les cavaliers noirs de Diwrnach marchaient au même rythme que
nous, formant autour de notre petite troupe un vague cercle de Bloodshields qui
se déplaçait à travers l’île.
Malgré ses
vertiges, Ceinwyn marchait presque au pas de course maintenant. Elle semblait à
peine consciente et prononçait des mots que je ne saisissais pas. Son regard
était vide. Nimue ne cessait de la tirer de côté, l’obligeant à suivre le
chemin de moutons qui serpentait au nord vers le tertre couronné de pierres
grises. Mais plus nous approchions de ces rochers hauts couverts de lichen,
plus Ceinwyn résistait. Nimue était obligée de déployer des trésors d’énergie
pour la maintenir sur cette sente étroite. Les premiers cavaliers noirs avaient
déjà dépassé le tertre, qui, comme nous, se trouvait maintenant enfermé dans
leur cercle. Ceinwyn geignait et protestait, puis elle se mit à frapper les
mains de Nimue. Mais Nimue la retenait fermement et l’entraînait. Les hommes de
Diwrnach ne nous quittaient pas d’une semelle.
Nimue attendit
l’endroit où le sentier était le plus près de la crête de rochers, puis laissa
enfin filer Ceinwyn. « Aux rochers ! cria-t-elle d’une voix perçante.
Tous ! Aux rochers ! Courez ! »
Nous courûmes.
C’est alors que je vis ce qu’avait fait Nimue. Diwrnach n’osait pas porter la
main sur nous avant de savoir où nous allions. Et s’il avait vu Ceinwyn se
diriger vers le tertre rocailleux, il aurait certainement posté une douzaine de
lanciers au sommet, puis envoyé le reste de ses hommes nous capturer. Mais
maintenant, grâce à la ruse de Nimue, nous serions protégés par ces gros blocs
escarpés de pierre roulée, par ces mêmes blocs qui, si Ceinwyn ne s’était pas
trompée, avaient protégé le Chaudron de Clyddno Eiddyn pendant ces quatre siècles
et demi de ténèbres de plus en plus épaisses. « Vite ! » hurlait
Nimue, tandis que les cavaliers fouettaient leurs poneys pour refermer leur
cercle autour de nous.
« Vite ! »
hurla de nouveau Nimue. J’aidais à porter Merlin. Déjà, Ceinwyn escaladait les
rochers tandis que Galahad criait à ses hommes de se poster derrière les blocs
de manière à pouvoir se servir de leurs lances. Issa restait à mes côtés, sa
lance prête à étriper tout cavalier qui s’approcherait de trop près. Gwilym et
trois autres hommes nous débarrassèrent de Merlin pour le porter au pied des
rochers au moment même où les deux Bloodshields de tête arrivaient à notre
hauteur. Ils nous défièrent tout en éperonnant leurs poneys, mais je repoussai
la lance du premier avec mon bouclier, puis lançai ma lance dont la lame d’acier
s’abattit comme un gourdin sur le crâne du poney. L’animal hurla et s’affala
sur le côté. Issa enfonça sa lance dans le ventre du cavalier tandis que je
frappais de la mienne le second cavalier. La hampe de sa lance heurta la mienne
et il passa devant moi, mais je parvins à empoigner ses longs rubans dépenaillés
pour le faire basculer de sa monture. Il se débattit un instant. Je mis une
botte en travers de sa gorge, levai ma lance et le frappai en plein cœur. Sa
tunique en haillons recouvrait un plastron de cuir, mais la lame le perça d’un
seul coup. Soudain, sa barbe noire se mit à mousser d’une écume sanglante.
« Arrière ! »
nous cria Galahad. Issa et moi lançâmes nos boucliers et nos lances vers les
hommes déjà postés en sécurité au sommet des rochers avant de poursuivre l’escalade.
Une lance noire se brisa sur les rochers à côté de moi, puis une main forte se
tendit vers moi, me saisit par le poignet et me hissa. Merlin avait été
pareillement hissé à travers les rochers et sans cérémonie abandonné au centre
du sommet où, telle une coupe couronnée d’un cercle d’énormes pierres roulées,
se trouvait une profonde cuvette de pierre. Ceinwyn se trouvait dans ce bassin,
jouant frénétiquement des pieds et des mains comme un chien au milieu des
cailloux qui emplissaient la coupe. Elle avait vomi et ses mains fouillaient au
milieu de ses vomissures et des petits cailloux glacés.
Le tertre
était un lieu idéal pour assurer notre défense. L’ennemi ne pouvait escalader
les rochers qu’avec les pieds et les mains tandis que nous pouvions nous
planquer dans les anfractuosités de la roche pour les recevoir sitôt
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