L'ennemi de Dieu
généralement un anneau de guerrier avec une
croix. En revanche, les femmes de haut rang arboraient rarement le moindre
anneau, n’y voyant qu’un symbole vulgaire. Mais certains hommes en avaient eux
aussi, et c’était précisément un anneau d’amant de ce genre que portait
Valerin, le chef du Powys, quand il avait trouvé la mort à Lugg Vale. Valerin
avait été fiancé à Guenièvre avant qu’elle ne fit la connaissance d’Arthur.
Nos bagues
étaient des anneaux de guerrier faits à partir d’une hache saxonne. Mais avant
de quitter Merlin, qui poursuivait sa route dans le sud jusqu’à Ynys Wydryn, j’arrachai
secrètement un fragment de décoration du Chaudron : c’était la lance dorée
miniature d’un guerrier, et elle se détacha sans difficulté. Je cachai l’or
dans une bourse et, de retour à Cwm Isaf, je portai le morceau d’or et les deux
anneaux de guerrier à un ferronnier et je le regardai fondre et façonner l’or
en deux croix qu’il fixa sur le fer en les chauffant. Je ne le quittai pas des
yeux pour m’assurer qu’il ne substituerait pas quelque autre or à celui que je
lui avais apporté. Puis j’offris l’une des bagues à Ceinwyn et me gardai l’autre.
Ceinwyn rit de bon cœur en voyant la bague. « Une tresse aurait tout aussi
bien fait l’affaire, Derfel.
— L’or du
Chaudron sera encore mieux », répondis-je. Nous ne quittions jamais nos
bagues, pour le plus grand dégoût de la reine Helledd.
Arthur nous
rendit visite au cours de ce merveilleux printemps. Il me trouva torse nu en
train d’arracher du chiendent : une tâche aussi interminable que de filer
la laine. Il me héla depuis le ruisseau, puis grimpa au sommet de la colline
pour me saluer. Il portait une chemise grise et de longues jambières noires,
mais pas d’épée.
« J’aime
voir un homme au travail, fit-il pour me taquiner.
— Arracher
la mauvaise herbe est encore plus dur que la bataille, grommelai-je en me
passant la main sur les reins. Vous êtes venu m’aider ?
— Je suis
venu voir Cuneglas, répondit-il en prenant place sur un bloc de pierre près de
l’un des pommiers qui parsemaient le pré.
— La
guerre ? » demandai-je, comme si Arthur ne pouvait avoir rien d’autre
à faire au Powys.
Il hocha la
tête. « Il est temps de rassembler les lances, Derfel. Surtout les
Guerriers du Chaudron », dit-il en souriant. Puis il insista pour savoir
toute l’histoire, alors même qu’il avait déjà dû l’entendre une bonne douzaine
de fois. Et quand je la lui racontai, il eut l’élégance de s’excuser d’avoir
douté de l’existence du Chaudron. Je suis certain qu’Arthur n’y voyait encore
qu’un tissu d’absurdités, voire une dangereuse sottise, car la réussite de
notre quête avait courroucé les chrétiens de Dumnonie qui, comme l’avait dit
Galahad, étaient convaincus que nous accomplissions l’œuvre du Malin. Merlin
avait rapatrié le glorieux Chaudron à Ynys Wydryn, où il l’avait entreposé dans
sa tour. Le moment venu, assurait-il, il ferait appel à ses immenses pouvoirs.
Mais pour l’heure, du seul fait qu’il se trouvait en Dumnonie, et malgré l’hostilité
des chrétiens, le Chaudron donnait au pays une nouvelle assurance. « Même
si, je le confesse, avoua Arthur, mon assurance tient plus au rassemblement des
lanciers. Cuneglas me dit qu’il se mettra en marche la semaine prochaine, les
Siluriens de Lancelot se réunissent à Isca, et les hommes de Tewdric sont prêts
à marcher. Et ce sera une année sèche, Derfel, une bonne année pour combattre. »
J’approuvai.
Les frênes avaient été plus précoces que les chênes, ce qui annonçait un été
sec, et qui disait été sec disait en même temps terre ferme pour les murs de
boucliers.
« Où
voulez-vous mes hommes ? demandai-je.
— Avec
moi, naturellement, répondit-il avant de marquer un temps de pause et de m’adresser
un timide sourire. Je croyais que tu m’aurais félicité, Derfel.
— Vous,
Seigneur ? »
Je feignis de
ne rien savoir, pour qu’il m’apprît lui-même la nouvelle. Son visage s’épanouit
en un large sourire.
« Guenièvre
a accouché voici un mois. Un garçon, un magnifique garçon !
— Seigneur !
m’exclamai-je, affectant la surprise alors que la nouvelle nous était parvenue
une semaine plus tôt.
— Il se
porte comme un charme et a bon appétit. Un bon augure ! » Il était
visiblement ravi, mais il est vrai que les
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