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L'enquête russe

L'enquête russe

Titel: L'enquête russe Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-François Parot
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pourpre et le noir dominaient au milieu des voiles transparents et des fumées d’un encens prodigué sans mesure.
    L’opulence avait transformé la Paulet elle-même. Les formes d’antan avaient reparu et un triple menton achevait sa figure de gorgone avisée. La soubrette à la gorge pigeonnante qui les avait accueillis, avec un regard lascif à Nicolas, mit sa main surl’épaule de sa maîtresse qui, après un sursaut de surprise, tenta de donner le change et entreprit de faire croire que son assoupissement de vieille femme participait de la transe si commune à son nouveau sacerdoce.
    — Ah ! C’était donc cela. Deux nuages qui luttent l’un contre l’autre, un blanc et un noir… Le bon et le mauvais…
    — Décidément, Noblecourt fait des émules, murmura Bourdeau à l’oreille de Nicolas.
    — Mon ami Nicolas et son charmant inspecteur. Me viens-tu chasser de ma maison ? Je te préviens…
    — Allons, que nous chantez-vous là ? Vous chasser ? Et pour quelles raisons nourririons-nous à votre égard d’aussi méchantes pensées ?
    — Tes belles paroles ne me mettront pas aux termes 30 de te croire. Je suis trop accoutumée à tes astuces.
    — Ma chère Paulet…
    — Point de suavité ! Je la connais. Me crois-tu en passe de me faire gober tes douceurs ? On a beau me proposer des monceaux d’or, je n’abandonnerai pas la place. Ah ! Sambleu, non ! Point de raison d’abandonner la lamproie pour l’omble !
    — Voici la marée, dit Bourdeau pouffant.
    — Vous voulez sans doute dire la proie pour l’ombre ?
    — Ah ! te vlà bien, j’te retrouve. Toujours à correctionner mon dire. J’m’entends bien, moi !
    — Allons, point d’aigreur ! Pourquoi cette crainte de vous voir chasser ? Curieuse hantise.
    — C’est bon, continue à faire l’innocent et la chattemite, tu me plais ! Sais-tu bien seulement depuis quand je suis en place ?
    — Je vous ai connue en 1760… Jeune et belle, avec un perroquet bavard que vous aviez nommé Sartine.
    — Ah, le bon temps ! Le pauvre, il a péri à cause de toi. Dix ans avant ! Hein ! Ben oui ! Dix ans, en 1750 ! Alors j’ai quelques raisons à faire du rieux sur mon fumier quand on me veut chasser.
    — Sachez que ce n’est point notre souci. Mais quel est ce complot ? Nous vous écoutons.
    Elle secoua l’un de ses voiles, se carra sur son fauteuil et, tout en battant les lames de son tarot, leur déballa son affaire.
    — Le faubourg a été longtemps la terre des maraîchers, puis les grands sont venus en quête du bon air. On a bâti, on a bâti, en veux-tu en v’là ! Et on poursuit. C’est là que le rat nous blesse…
    — Le bât…
    — Ne m’interromps pas ! Paraît que je suis une verrue. Mais je me défends. Ah ! Ouiste. Elle a du répondant, la verrue. Ceux qui me soutiennent sont ceux que ma voyance a sauvés ! Ainsi de monseigneur le duc de Chartres.
    — Vous avez été son fournisseur…
    — Point. Pour cela, il n’a pas besoin de mes services.
    À ce moment une sorte de chuintement se fit entendre et une boule au vol silencieux vint se percher sur l’épaule de la Paulet.
    — Paix, Hadès ! Ne vous grignez pas, c’est mon chat-huant. Cela impressionne le chaland. Je reprends. Le duc est venu me consulter…
    Elle les considéra, perplexe.
    — Ce que je vous jase là, c’est de moi à vous.
    Elle mit un doigt boudiné sur ses lèvres, le tout accompagné d’un air entendu.
    — Il y a peu, le duc, à la géhenne de ce qui lui était advenu, est venu me trouver pour que je lui explique.
    Elle se leva, s’appuya sur sa canne à pommeau d’or et, dans un grand esbroufement de tissus, elle se dirigea d’un pas boiteux vers la porte qu’elle claqua, ce qui fit s’envoler le rapace jusqu’à la corniche d’où il exprima avec éloquence son mécontentement.
    — Il faut veiller à tout. Les filles…
    — Les filles ? Je croyais m’être fait comprendre.
    — Mes servantes, mes servantes. Que vas-tu supposer ? Des idylles certes, mais point de mon fait. Je suis leur mère.
    — Doublement, repartit Bourdeau entre ses dents.
    — Alors, l’aventure du duc était survenue dans son cabinet. Il y trouve un jour un homme d’une figure étrange qui prétendait lui apprendre des choses extraordinaires et porta son zèle au point de lui proposer de rencontrer le diable. Convaincu de venir à minuit à Villeneuve-Saint-Georges, notre bon prince se trouve nez à nez

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