L'enquête russe
familiale dans la carrière de perruquier.
Sous le regard affligé de M. Harmand, les policiers se livrèrent à un examen en règle de l’appartement. Nicolas eut un regard entendu à l’intention de Bourdeau : ce qu’il découvrait au fur et à mesure qu’étaient ouvertes armoires et commodes s’apparentait davantage au trousseau d’un muguet de cour qu’à celui d’un commis d’hôtel, fût-il réputé. Le perruquier, qui n’était pas sans soupçonner leur sentiment, crut devoir intervenir.
— Tout ceci peut vous paraître étrange, messieurs. Richard menait deux vies. Il visait sans doute plus haut et sa situation ne lui convenait pas. J’essayais de le persuader de reprendre l’état de perruquier, et qu’avec de la volonté, du courage et l’intelligence du négoce, il serait en mesure de porter notre maison à un haut degré de réputation et de multiplier nos activités. Hélas, ce qu’à mon âge je ne me sens plus la force d’entreprendre !
Nicolas, pensif, considérait les habits et toutes les frivolités qui les accompagnaient, ces superfluitésqui, au dire du chanoine Le Floch, nuisent au nécessaire. Existait-il de plus grande disgrâce que celle ne n’être point satisfait de sa vie ? Il songea à certains propos de Bourdeau sur la souffrance de ceux qui aspirent à briser les infranchissables barrières établies entre les divers ordres d’une société où une personne n’était pas égale à une autre. Si les puissants nous semblent grands , ajoutait-il, c’est qu’on nous maintient à genoux .
— Nicolas, regarde ce que j’ai trouvé.
Bourdeau lui tendit un très joli soulier de maroquin orné de sa boucle en or.
— Hé, quoi ! Un soulier.
— Soupèse-le. Trop lourd pour un soulier de bal !
— Tu as raison.
Nicolas secoua l’objet. Une bourse gonflée tomba en laissant échapper sur le parquet une bonne poignée de louis. M. Harmand, qui avait observé la scène, s’approcha et considéra, stupéfait, le petit tas d’or.
— Comment est-ce possible ? Richard dépensait tout ce qu’il recevait de M. Lachère. Il ne cessait de m’importuner pour que je règle ses dettes. Je m’y refusais, considérant que c’était un pauvre service à lui rendre. Il se serait habitué à plus de rigueur. Il aimait trop la parure et je voulais qu’il s’amendât de lui-même. Mon espoir était vain, je le crains. Je ne sais d’où vient cet argent. J’appréhende de connaître sa source.
— Il y a apparence, monsieur, que votre fils menait une vie qui ne correspondait guère à son revenu. Et cela d’autant plus que vous refusiez de l’aider.
M. Harmand, tête baissée, demeurait silencieux. La fouille de l’appartement se poursuivit sans apporter de nouvelles découvertes. Ils prirent congé du perruquier. Alors qu’ils regagnaient leur voiture, un petit sifflement attira leur attention. Ils se retournèrent. Le jeune garçon perruquier, dont la franche physionomie avait été remarquée par le commissaire, souhaitait apparemment leur parler. Il jeta un regard inquiet derrière lui.
— Messieurs, j’ai peu de temps, le maître va remarquer mon absence. J’ai quelque chose à vous dire.
— Que ne l’avez-vous dit devant M. Harmand ?
— Je ne veux pas lui faire peine. Il souffre beaucoup et, à son âge, ce coup risque de lui être fatal. Il ne faut pas en ajouter.
— Et donc ?
— Richard était mon ami. Il m’empruntait de petites sommes, que d’ailleurs il ne me rendait jamais. Un jour que je lui en réclamais le dû, il me rit au nez, disant qu’il ne me demanderait plus rien, ayant des occasions de manger à d’autres écots. Nos relations se refroidirent. Il ne supportait guère les conseils de raison que je lui prodiguais ; je n’en vins jamais à bout. Il marchait sur un fil car à chaque soirée remplie par les faveurs de la fortune succédait le revers inquiétant du lendemain. Il espérait toujours un coup de maître. Pourtant, moi, je craignais qu’il payât un jour la folle enchère de sa manière de vivre. Il jouait comme un insensé, parolis sur parolis 29 et le montant de ses dettes ne cessait d’enfler. De surcroît, je le surpris plusieurs fois se compromettre avec des personnages furieusement louches.
— De quelle espèce ?
— Des mères maquerelles de la place. Il leur présentait des donzelles que sa bonne mine attirait…
— Connaissez-vous leur nom ?
— L’une, oui. La
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