Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
L'enquête russe

L'enquête russe

Titel: L'enquête russe Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-François Parot
Vom Netzwerk:
avec une ombre infernale qui lui susurra des prophéties et lui donna un anneau. « Gardez-le précieusement, a-t-il dit, tant que vous l’aurez votre prospérité et votre bonheur sont assurés, mais sa perte vous serait fatale. »
    Nicolas admirait toujours la manière dont sa vieille amie passait sans transition du langage populaire à un propos fleuri glané chez ses nouvelles accointances.
    — Et le duc de Chartres vous a visitée.
    — En douterais-tu ? Il n’est point le seul à Paris, monsieur le marquis. Comment va mon petit filleul ?
    — Il se porte au mieux, lieutenant à Saumur et…
    Devait-il lui dire ? Il choisit la sincérité.
    — Il est à Paris pour quelques jours.
    Elle le regardait, l’air ironique et ému à la fois.
    — Tu me fais plaisir ! Je le savais.
    Comment le sait-elle ? se demanda Nicolas intrigué.
    — Mais, je le répète, tu me réchauffes mon vieux cœur de ne le point cacher. Rassure-toi, la vieille Paulet connaît son monde. Elle aime trop le petit pour rien faire qui le puisse gêner. Tu l’embrasseras pour moi.
    Nicolas se leva, lui prit la main et la baisa. Une larme coula qui traça un sillon sombre dans la céruse et le rouge du maquillage de la dame.
    — Allons, allons, point d’émotion. Bref, le duc est venu me confier certaines choses qui lui avaient été annoncées.
    — Et ?
    Les petits yeux qui exprimaient si bien tant d’émotions cillèrent. Nicolas, qui de longue main en avait éprouvé les éloquents changements, pressentit aussitôt ce que ressentait la Paulet. Le désir de parler, la vanité d’avoir servi de réceptacle à une parole si auguste, luttaient en elle avec l’engagement de discrétion qui lui avait été imposé. Mais, se disait-elle d’évidence, à ce que supposait le commissaire, parler à la police c’était comme se parler à soi-même, tant elle avait été depuis des décennies l’œil et l’oreille complaisants et forcés de l’institution.
    — Soit. Mais que cela demeure entre nous. J’hésite et ballotte cependant…
    — Allez, mon amie Paulet, un effort, ne faites pas votre sucée.
    — Voilà. Le spectre lui a annoncé, à ce que croit le prince, un avenir glorieux. Il craint pourtant…
    — Que craint-il avec son anneau ? demanda Bourdeau goguenard.
    — Justement. On le lui a pipé au cours d’une débauche à Monceau.
    — Et alors ?
    — Alors, alors, son esprit courait la poste… tout roué qu’il soit comme son aïeul le régent d’Orléans. Ah, ça ! Il ne faisait pas le fendant, le bougre et…
    — Et au fait, demanda Bourdeau, comment cette prédiction avait-elle été formulée ? Comme toujours, un double sens qui dit tout et ne signifie rien, car toute sentence se doit d’être imprécise et dépourvue des détails qui l’éclaireraient !
    — Comme tu dis, Jocrisse ! Le v’là qui prétend savoir ! Donc le spectre lui a asséné c’te phrase : « Le lit de justice sera ta gloire. » Ou à peu près.
    — Cela ne me semble pas très redoutable. Les Orléans ont toujours été des boutefeux au Parlement.
    — Il m’a demandé le grand jeu !
    — Avec le tarot de Marseille ?
    — Non point, avec des lames marquées de mon fait.
    — Compliment. Donc point de transe ?
    — Que veux-tu dire ?
    — Lorsque vous partez dans vos rêves.
    Elle porta sur Nicolas un regard dont le sens indéfinissable témoignait de son incompréhension. Se pouvait-il qu’elle ne fût pas consciente des états dans lesquels elle tombait parfois, la conduisant à d’étranges vaticinations ? Sa vie en jeu, Nicolas avait pu vérifier la justesse de ces prédictions. Il renonça à pousser outre.
    — Donc le grand jeu ?
    — Je n’en avais jamais eu de plus redoutable. Tout ce que le destin pouvait assembler de plus funeste s’additionnait lame après lame ! Dissension, folie, mort, traîtrise, jugement. Il en grinçait des dents.
    — Qu’en a-t-il conclu ?
    — Il fera ses diligences pour retrouver l’homme qui lui a proposé l’entrevue de Villeneuve. Il lui faudra beaucoup de tirasses 31 et des plus serrées pour le prendre, selon moi.
    — Ma bonne Paulet…
    — Cela commence mal. Toujours le tapinois…
    — J’ai besoin de vos lumières. On nous rapporte que vous n’avez pas renoncé à appareiller certains étrangers que leurs affaires ou leur désir de s’instruire conduisent dans les murs de la capitale du royaume ?
    —  On, c’est qui ? On,

Weitere Kostenlose Bücher