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L'enquête russe

L'enquête russe

Titel: L'enquête russe Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-François Parot
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bon goût dominait dans la décence la plus exquise.
    Un petit vieillard, le visage éteint et ridé à l’excès, vêtu de noir, s’approcha d’eux, les accueillit d’une voix cassée. Ses yeux rougis laissaient couler des larmes.
    — Messieurs, que puis-je pour vous ? Pardonnez mon état, mais un deuil familial me laisse sans force et sans ressort.
    — Vous êtes bien maître Pacôme Harmand ?
    — Oui, monsieur, j’ai cet honneur.
    — Monsieur, je suis Nicolas Le Floch, commissaire de police au Grand Châtelet. Je suis chargé, avec mon adjoint…
    Il désigna Bourdeau.
    — … d’enquêter sur la mort criminelle de votre fils Richard. Que pouvez-vous nous en dire qui puisse éclairer les causes de ce drame pour lequel, monsieur, je vous prie d’accepter mes condoléances.
    Le vieil homme se mit à pleurer. Les assistants arrêtèrent leurs tâches, accablés de pitié pour leur maître. Nicolas estima devoir rasséréner l’entretien avant d’entrer dans le vif du sujet.
    — Permettez-moi, monsieur, de vous faire mon compliment sur la tenue étonnante de votre boutique qui, par son aspect et sa propreté, change de ce que l’on a coutume d’observer dans les autres établissements de cette activité.
    — C’est que, monsieur le commissaire, dit-il avec un imperceptible mouvement de contentement, j’ai toujours veillé à l’organisation de mon état. Contrairement à d’autres, j’ai réparti les activités dans des pièces et ateliers séparés, tant pour l’application des poudres et pommades que pour les tissages des cheveux avec les cordes et les peignes de fer. Ici c’est plus un salon d’achèvement avec les différents modèles de perruques posés sur des têtes-mannequins ou accrochés au mur. Mais je parle, je parle, je m’étourdis en fait ! Messieurs, que puis-je vous apprendre ?
    — Je souhaiterais pour l’instant vous écouter.
    — Hélas ! Hier, tout était à la préparation de la fête en mon honneur. Tous mes garçons et les femmes qui travaillent ici étaient conviés à une petite ribote. Mon fils avait obtenu de M. Lachère de disposer de sa soirée. Nous l’avons cru retardé. À dix heures, j’ai envoyé un garçon en fiacre voirsi Richard était retenu à l’hôtel, rue de Richelieu. Il a trouvé porte close et n’a rien pu apprendre, même après avoir tambouriné un long moment. N’est-ce pas, Jacques ?
    Un jeune homme qui peignait une perruque s’approcha. Nicolas nota sa mine ouverte. Il semblait qu’on fût heureux sous la férule de cet artisan.
    — Oui, mon maître, point de réponse et pourtant je n’ai pas ménagé mes poings.
    — Bien, dit Nicolas. Ensuite ?
    — Ce matin, toujours point de nouvelles. Je me suis affolé, n’ayant point été accoutumé par mon fils à ce qu’il découche. J’ai prévenu le commissaire du quartier qui a recueilli le signalement de Richard et l’a, il me l’a assuré, aussitôt adressé à qui de droit. Or à l’aube un corps avait été trouvé… Repêché dans la rivière… Hélas !
    Il se remit à pleurer.
    — … Et… Et… conduit à la basse-geôle. J’ai eu le malheur d’y reconnaître mon fils. Quel grand malheur !
    — Avez-vous le sentiment qu’une menace pesait sur Richard ?
    — Nullement. Il était heureux de son état, ayant avec M. Lachère les rapports les plus harmonieux. Il était sur le point de se fiancer. Hélas ! Hélas !
    — Où logeait-il ?
    — Ici, au-dessus.
    — Pourrions-nous voir sa chambre ?
    — Certes. Si vous voulez me suivre.
     
    Un escalier en colimaçon s’ouvrait derrière le comptoir de la caisse de la boutique. Ils en gravirent les degrés pour déboucher dans une de ces maisons bourgeoises que Nicolas connaissait bien. On yretrouvait toujours les meubles de famille du siècle précédent, des gravures, des tentures en velours d’Utrecht, des étains et des cuivres astiqués et une série de gravures encadrées qui représentaient les scènes survenues sur la tombe du diacre Pâris, au cimetière Saint-Médard, miracles avérés pour les uns, extravagances pour les autres. Ils durent se rendre au second étage où un petit appartement, chambre et cabinet de toilette, était dévolu au fils de la maison, son unique enfant précisa maître Harmand. Il demeurait, étant veuf, sans descendance et la disparition de Richard doublait le chagrin déjà éprouvé de n’avoir point vu son unique descendant perpétuer une tradition

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