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L'envol des tourterelles

Titel: L'envol des tourterelles Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arlette Cousture
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que Stanislas avait choisi de rentrer au Manitoba pour travailler dans la nouvelle entreprise familiale.
    Le chauffeur de taxi qui le conduisait au lieu de son rendez-vous ne cessa de parler.
    – C’est pas mal, la «nouvelle société» de Chaban-Delmas, mais qu’est-ce que sa voix est détestable! Je pense que j’aimais mieux entendre la radio de Londres pendant la guerre. Vous êtes canadien?
    – Oui.
    – Oh! Qu’est-ce qu’ils en ont pris, du plomb dans les fesses, les Canadiens! C’est la faute à Churchill. Pas foutus de résister aux Allemands, ces Anglais. Nous, en France, on a résisté, monsieur, et on n’aurait pas eu besoin des Alliés. On aurait mis un peu plus de temps, mais on serait venus à bout des Boches, c’est sûr.
    Jan avait encore les oreilles bouchées par l’atterrissage et s’en trouvait aise en entendant les propos quasi muselés qui lui parvenaient à travers le bruit du moteur de la Renault Dauphine.
    – Vous savez que les Américains sont convaincus que sans eux il n’y aurait plus de France! Qu’est-ce qu’il ne faut pas entendre! Je les connais bien, les Amerloques. Ils se tapent dessus sans arrêt, gagnent des médailles aux Olympiques en faisant courir leurs nègres – on comprend qu’ils courent vite, ils passent leur vie à se sauver des Blancs qui les tabassent –, et quand ils ont leurs médailles et parce que les nègres lèvent le bras en fermant le poing une fois sur le podium comme ils ont fait à Mexico l’an dernier, ils les remettent dans les ghettos. Ha! les Amerlots! Ils crient à qui veut les entendre qu’ils nous ont permis de survivre, mais maintenant ils pensent qu’ils peuvent nous acheter. Qu’est-ce qu’ils ont l’air cons avec leurs bermudas! Ça vient des colonies anglaises, ces accoutrements à la con. Où est-ce que je vous emmène encore? Est-ce que les Français sont rentrés d’Algérie avec un burnous? Rappelez-moi où c’est que je vous emmène.
    – À l’angle de la rue de Rivoli et de la rue des Écouffes.
    – Fallait me le dire quand vous avez vu que je prenais la mauvaise direction!
    Jan ne répondit rien, trop anxieux à la pensée de tout ce qui pouvait l’attendre. Le taxi s’immobilisa en frôlant le bord du trottoir et Jan paya sans laisser de pourboire, trop agacé par les propos de son cicérone. Le chauffeur garda la main tendue et, voyant qu’il n’y déposerait plus rien, referma brutalement la portière.
    – Ah! ces Canadiens! Des sauvages! Et ça se dit français!
    Les coups de klaxon étaient presque affolants, occasionnellement interrompus par le pin-pon des voitures de pompiers. Jan se sentit étourdi par le brouhaha de la ville, par le décalage horaire qui lui enfumait le cerveau, mais surtout par la peur de sa rencontre avec Nicolas, si c’était lui qui venait au rendez-vous. Il avait deux heures devant lui et il entra dans le bistrot que Nicolas lui avait indiqué,
La Tartine
. Il se glissa au fond pour observer les gens, trouvant à chaque client debout au bar un air de ravisseur. Il se méfiait aussi d’un homme dans la trentaine qui, la barbe longue et l’ongle noir, se cachait la figure derrière les pages du
Monde
. Une femme entra, racla du regard le moindre recoin, puis sortit, la mine rassurée. Le cliquetis des ustensiles étouffait parfois les conversations, dont le ton montait à chaque minute. Jan vit que sa main droite tremblait et la recouvrit aussitôt de sa main gauche pour ne pas montrer qu’il avait perdu son contrôle et n’avait pas la moindre idée de ce qui l’attendait. La femme qui venait de sortir revint, reconnut un homme qui était entré et s’était installé au zinc, le salua avec des épanchements excessifs et se plaça à ses côtés.
    Jan ne connaissait personne à Paris et il ne savait où se tourner en cas de besoin. Cette simple idée l’affolait, lui rappelant trop sa course effrénée et affolée avec Élisabeth pour échapper aux griffes des Allemands. Pour ne pas se faire remarquer, il commanda un mets au hasard et reçut une salade aux lardons dont il ne put digérer l’œuf qui y baignait dans du vinaigre émailléd’yeux d’huile. Le bistrot commença à se vider et il sut que trois heures approchaient. Son anxiété frôlait la folie lorsque Nicolas entra en trombe, l’aperçut et se dirigea vers lui sans sourire, sans lui tendre la main, sans même lui dire bonjour.
    – Vite! Suis-moi!
    Il laissa la monnaie sur la table, oublia presque sa

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