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L'envol des tourterelles

Titel: L'envol des tourterelles Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arlette Cousture
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pour s’installer à une intersection, tandis que les autres avaient réaménagé complètement leurs locaux, déjà situés sur un coin de rue. La salle était remplie et il se promit d’acheter de nouvelles tables et des chaises plus confortables. Il y avait maintenant vingt-deux épiceries
Aucoin
, incluant les siennes,dont il ne s’était évidemment pas départi. Étaient aussi demeurés avec lui ses trois gérants de confiance, auxquels il avait confié de plus grandes responsabilités en les nommant au conseil d’administration créé afin de s’assurer que l’approvisionnement, l’entreposage et la livraison des marchandises soient faits au bon moment et en un temps record. Les propriétaires des supermarchés
Steinberg, A&P
et autres les regardaient à peine, croyant ne rien devoir craindre d’une association de petits épiciers. Jan, lui, était convaincu que l’avenir se trouvait là, et les hommes assis devant lui l’étaient aussi. Ce jour-là, ils devaient décider s’ils limiteraient le nombre d’épiciers associés ou si, au contraire, ils accepteraient tous ceux qui répondraient aux normes sévères qu’ils avaient établies. Le vote se fit à main levée et tous les propriétaires voyaient d’un bon œil un nombre illimité de franchisés. L’assemblée fut levée et Jan resta seul avec M. Cohen, qui avait répondu à son invitation et assisté à la réunion.
    – Qu’en pensez-vous, monsieur Cohen?
    – C’est bien. Si vous tenez parole et que vous avez confiance en tous vos franchisés, vous allez prendre tout le marché. Je reconnais dans vos idées une manière européenne de faire des affaires. Juive, même. Il faut parler aux gens et leur donner une petite tape d’encouragement sur l’épaule. Il faut les convaincre qu’ils paient moins cher à votre magasin. Il faut même les persuader que s’ils paient parfois plus cher, c’est parce que vous leur offrez le meilleur produit. C’est ce que notre père nous a appris et c’est ce que son père lui avait appris.
    Jan espéra que M. Cohen était son prophète. Depuis qu’il avait acheté l’entrepôt, il avait invité le survivant des frères à y venir aussi souvent qu’il le souhaitait.
    «J’aurai toujours besoin d’un bon conseil, monsieur Cohen.»
    Cohen l’avait remercié d’un sourire larmoyant et s’était présenté à l’entrepôt plus de six mois plus tard, alors que Jan avait rafraîchi les lieux et changé l’inventaire. L’ancien propriétaire s’était promené à travers les montagnes de caisses, allant même sans se couvrir dans la section réfrigérée. Jan l’avait suivi, ravi de sentir le vieux s’animer. Il voyait en lui une espèce de spectre doublé de son père et de M. Favreau.
    «Vous reconnaissez les lieux?
    – Je trouve que les inventaires sont impressionnants et j’ai vu des légumes et des fruits que je ne connais même pas. Mon frère et moi n’aurions pas pu les commander, parce que nous ne savions pas qu’ils existaient.»
    Il avait ricané doucement, convaincu d’avoir été très drôle.
    Jan le raccompagna à la porte en lui tenant le bras, puis il revint dans son bureau pour faire la connaissance d’un autre Polonais que lui avait référé son service du personnel, comme il le faisait toujours avant d’embaucher un individu. Il tenait à les connaître tous personnellement et se demandait parfois s’il avait été utile de changer de nom, ses origines étant notoires.
    Stanislas courait dans la rue McGill, essoufflé et rieur. Il avait terminé son dernier examen et, après avoir comparé ses réponses avec celles de ses collègues, il était sûr d’avoir de bons résultats. Il se hâtait d’arriver à l’entrepôt, craignant d’être resté trop longtemps à
La Hutte suisse
avec ses compagnons. Il alla pointer, puisavisa le superviseur qu’il s’absentait deux minutes, le temps de saluer son oncle. Il faisait si rarement allusion à son lien de parenté avec le patron qu’une telle requête ne lui était jamais refusée.
    – Un instant, jeune homme. Ton oncle est avec quelqu’un.
Assis
-toi p’is attends.
    M me Dufour avait parlé de ce ton qui n’admettait aucune réplique. Elle gardait l’entrée du bureau de son patron comme un rapace surveillant du haut de son nid les allées et venues de ses proies. Stanislas s’assit du bout des fesses, regarda l’heure, puis décida que la nouvelle pouvait attendre. Il se relevait lorsqu’un rire déchira

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