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L'envol des tourterelles

Titel: L'envol des tourterelles Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arlette Cousture
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phares blancs, sorte de finale de plaisir à une descente qui se terminait en douceur. Les avions qui décollaient faisaient la même chose, prélude de lumière à un vol de nuit.
    Élisabeth lut sur le tableau des arrivées que l’avion de Nathaniel se poserait à Dorval avec quinze minutes de retard et qu’il serait le dernier à le faire avant que ne se taise et ne s’endorme l’aéroport. Depuis leur deuxième rencontre, il était venu la voir aussi souvent que possible et elle était allée à Boston deux fois par mois, ne ratant qu’un seul rendez-vous, immobilisée au Vermont par une tempête de neige.
    Leurs amours étaient si bonnes qu’elle n’en avait mentionné l’existence à personne, craignant qu’une catastrophe ne lui tombât sur la tête. Florence s’était enquise des progrès de leur relation, mais elle lui avait menti, affirmant qu’il était fat.
    «Tu l’écris comment? “F-a” comme la note, ou “f-a-t” comme “ennuyant”?
    – À toi de deviner.
    – C’est drôle, je n’ai pas eu l’impression qu’il était “f-a-t”.»
    Quant à Jan, occupé quatorze heures par jour, six ou sept jours par semaine, il n’avait rien su ni rien remarqué, sinon deux de ses absences.
    «Tu es partie pour la fin de semaine?
    – Oui, prendre l’air de la campagne. Le printemps y est si beau.»
    L’âme de Nathaniel et la sienne étaient sœurs et leurs corps toujours prêts à se fondre l’un dans l’autre. Elle n’avait jamais aimé en polonais, jamais aimé en musique, et Nathaniel non seulement la comblait mais lui donnait l’impression qu’elle parvenait à le rassasier. Elle l’avait prié de venir le plus rapidement possible, dans l’heure s’il le pouvait, son frère Jan se trouvant à l’unité des soins intensifs de l’hôpital Saint-Luc depuis déjà près de trois jours.
    Comme un papillon de nuit, elle tournoya autour du panneau indicateur, souhaitant inconsciemment que son excitation bousculât le temps. Nathaniel arriva enfin, le visage défait par l’inquiétude. Elle se précipita dans ses bras et il la berça sans dire un mot, attendant qu’elle rompe le silence. Ce n’est que lorsqu’ils furent dans la voiture qu’elle lui répéta tout ce qu’elle lui avait raconté au téléphone, parlant d’une voix effrayée pendant qu’il roulait lentement, une main posée sur sa cuisse qu’il caressait doucement pour la calmer.
    – Une vraie histoire d’horreur.
    – Que disent les médecins?
    Les médecins n’osaient faire de pronostic, affirmant qu’il était en aussi piteux état que s’il avait été frappé par un camion roulant à plus de quatre-vingtskilomètres à l’heure. Élisabeth parla de contusions multiples, de lacérations au dos, d’écrasement de la pomme d’Adam, de fractures du nez, de trois côtes et de deux doigts, ainsi que d’un traumatisme crânien qui l’avait précipité dans le coma.
    – Jan va avoir quarante ans l’an prochain et il est aussi irréfléchi qu’à dix-huit ans.
    Elle lui parla des difficultés rencontrées par son frère à son arrivée au Canada, des querelles qu’il avait provoquées ou subies, du très bon violoniste qu’il avait été, contraint de ranger son instrument parce qu’il avait perdu l’agilité de ses doigts, écrasés sous les bottes de jeunes voyous qu’il n’avait jamais dénoncés.
    – N’eût été son courage, il y a longtemps que je serais morte.
    – Et, cette semaine, il a défendu ton autre frère?
    – Oui.
    – Pourquoi?
    – J’imagine que c’est pour l’honneur et la fierté du nom des Pawulscy. Le mien, le sien même s’il en a changé, celui de Jerzy, mais aussi celui de Stanislas, son filleul.
    Nathaniel n’osa demander si la vie de Jan était en danger, craignant une réponse affirmative. Ils garèrent la voiture dans la rue Saint-Denis, devant l’hôpital. Michelle étant trop nerveuse et épuisée pour prendre le volant, Élisabeth l’avait reconduite chez elle avant de se rendre à l’aéroport et il était convenu qu’elle passerait la nuit au chevet de Jan. Elle lui avait tu cette absence d’un peu plus d’une heure, pour ne pas l’inquiéter. Michelle était triste à voir, affaissée devant la catastrophe qui s’était abattue sur sa famille, et Élisabeth avait voulu voler à son secours. Elle pensait alors à latendresse de son frère, ne l’en admirant que davantage pour tout ce qu’il avait fait pour elle. Sa reconnaissance avait

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