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L'envol des tourterelles

Titel: L'envol des tourterelles Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arlette Cousture
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d’autant plus nécessaire que les musiciens, quoique en habit noir, chemise blanche et nœud papillon, étaient invisibles, leur présence ne se faisant remarquer que si des yeux cherchaient le reflet de leurs petites lampes fixées aux lutrins. Elle décida néanmoins d’aller le saluer et le féliciter, consciente que le travail qu’il avait fait étaitle travail d’ombre nécessaire pour mettre en lumière le talent du chorégraphe et des danseurs. Florence l’accompagna, ravie de se retrouver dans les coulisses au milieu des éclats de rire parfumés autant par les gerbes de fleurs qui ne cessaient d’arriver que par la sueur sucrée des ballerines. Pour un moment, elle oublia son deuil et se laissa happer par le froissement du tulle et de la gaze colorés des costumes. Le petit soldat de bois s’approcha d’elle, se passant un coton sur la figure. Il en avait la moitié barbouillée, l’autre impeccablement maquillée. Elle le trouva amusant.
    –
Did you like it?
    Elle répondit par un timide
yes
, son anglais laissant toujours à désirer malgré sa vie à New York. Élisabeth l’invita à la rejoindre, davantage pour vaincre sa timidité que pour l’avoir comme escorte, et frappa à la porte de la loge. Nathaniel Warszawski vint répondre lui-même, la chemise déboutonnée sur un torse légèrement velu où se distinguaient quelques poils argentés et luisants de transpiration. Élisabeth baissa les yeux, intimidée par son allure presque séduisante qu’elle n’avait pas remarquée lors de leur première rencontre, un an et demi plus tôt. Elle se dit qu’elle dormait seule depuis si longtemps qu’elle avait oublié l’odeur de l’haleine du matin, le parfum des aisselles, la fragrance des eaux de toilette musquées imprégnant tous les vêtements, et le contact de la joue râpeuse ou fraîchement rasée. Si l’étreinte de Denis lui manquait toujours autant, son absence se faisait de moins en moins sentir puisqu’elle pouvait compter le nombre de jours entiers qu’ils avaient passés ensemble pendant la durée de leurs amours. En seize ans, elle l’avait vu en moyenne moins de trois fois par semaine, parfoisquelques heures, exceptionnellement toute une journée. Même si ces jours avaient été les plus heureux de sa vie, elle était tout étonnée de remarquer le regard sensible de Nathaniel, qui l’avait immédiatement reconnue et n’avait fait aucun effort pour cacher le plaisir qu’elle pouvait lire dans ses prunelles. D’où lui était venu le souhait qu’il l’invite à entrer dans la loge? Nathaniel lui prit la main d’une façon si douce et la lui effleura si légèrement qu’elle sentit à peine l’air chaud qu’il avait soufflé.
    – Oh! Madame Pawulska, le meilleur professeur de musique de Montréal, et mademoiselle Lagacé, son émule!
    Florence tourna coquettement les yeux en regardant Élisabeth pendant qu’il lui faisait à elle aussi le baisemain. Élisabeth remarqua qu’il ne le lui faisait pas avec la même générosité. Seule une Polonaise pouvait comprendre toutes les variantes du baisemain. Il les pria maladroitement d’entrer et s’empressa de dégager la chaise de maquillage, dont il avait eu besoin uniquement pour se poudrer un peu afin d’effacer les sueurs sur son visage.
    – Serait-il trop indiscret de vous demander ce qui vous amène à Boston?
    – J’aime les noisettes et j’ai eu une petite faim en route pour New York.
    – Je les ai bien apprêtées?
    – Oui. Vous êtes un excellent chef.
    – Il n’y a qu’un chef polonais pour connaître les recettes slaves.
    Élisabeth répondait d’une façon tellement coquine que Florence la regardait avec fascination, convaincue d’assister à son premier cours de séduction. L’air dela loge s’épaissit à vue d’œil et elle comprit qu’elle devait partir. Laisser Élisabeth seule avec ce chef qui, s’il avait été plus jeune – il avait au moins quatre ou cinq ans de plus qu’Élisabeth qui en avait quarante – aurait été intéressant.
    – Vous m’excuserez, mais je dois rentrer.
    Elle tendit la main à Nathaniel, qui la salua, et embrassa Élisabeth, qui ne fit rien pour la retenir. Nathaniel toussota et demanda à Élisabeth de l’attendre, le temps qu’il passe à la salle de bains pour se rafraîchir. Elle ne vit pas le ridicule de la situation lorsqu’il sortit de la loge en emportant tous ses vêtements, alors qu’une serviette propre pendait au-dessus de

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