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L'épervier de feu

L'épervier de feu

Titel: L'épervier de feu Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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d’appétit sensuel, – car il était certain que sa virginité lui avait été ravie depuis longtemps – ; une male faim qu’il se refusait d’autant plus à satisfaire que les lieues diminuaient entre Blandine et lui. Quant à Barbeyrac et Saveuse, il advenait aussi qu’il en fût ennuyé : pour détourner à son profit l’attention de Rosamonde, Loïs parlait d’abondance. Elle connaissait désormais toutes ses appertises [61] . Il lui avait narré la mort de Kemper, sur la George , sans qu’elle en eût semblé horrifiée. Parfois, elle interrogeait Barbeyrac. Il répondait sans ambages mais la brièveté du ton la rebutait.
    « Et moi, Argouges, qui ne dis rien… ou si peu ! »
    Essayaient-ils de l’entreprendre que sans se soustraire complètement à l’entretien, il écourtait ses phrases et retenait ses pensées. Ses assentiments n’étaient que des mensonges par lesquels il aspirait à la quiétude. Une fiévreuse impatience des liens gros ou ténus dont il était entouré le prenait parfois, et, surtout, l’idée d’en tresser même d’infimes pour Rosamonde lui était intolérable. En fait, il ne se sentait à l’aise qu’en sa propre compagnie. Certes, après une année de vie commune à Bunbury, Barbeyrac était devenu un parfait compère ; parce que quelque chose d’autre que des paroles avait présidé à ce qu’il pouvait appeler une fraternité d’armes. Saveuse n’était qu’un guerrier de rencontre. Les eût-il connus en d’autres circonstances – tout simplement dans l’armée royale – qu’il n’eût pas été tenté d’en faire ses amis. Il savait qu’en ceignant son cœur d’indifférence, il aggravait sa mélancolie, mais c’était ainsi et il n’y pouvait rien.
    Revenant chevaucher à l’arrière, il trouva un léger réconfort à évoquer son épouse. Il l’avait souvent déprisée, condamnée sans que quiconque eût reçu ses confidences.
    « Si elle me reçoit avec joie, à bras ouverts… Si notre nuit est pareille à celle de nos noces… »
    Le visage de Tancrède occulta celui de Blandine. Puis sa personne tout entière, altière et resplendissante comme une lame de cristal.
    « Qu’est-elle devenue ? Même Hugues Calveley, quand nous étions à Bunbury, n’en put obtenir des nouvelles. »
    Avait-elle quitté l’Angleterre après les joutes d’Ashby ? Était-elle revenue en Aquitaine ?… Vivait-elle à Bordeaux d’où elle était partie ? Seule ou en compagnie d’un homme ou d’une femme ?… Jamais il ne pourrait la juger loyalement.
    « Non, je ne l’aime pas… Je ne l’ai jamais aimée. Elle est seulement pour moi la tentation faite femme. Toutes les femmes et toutes les tentations. »
    Il n’eût point voulu y penser, or, la vacuité de son existence présente l’y contraignait. Rien entre eux n’avait été simple, même après qu’elle eut détruit sans précaution la légende de leur cousinage. Volontairement ou non, elle avait désenchanté ses espérances dans le grand lit de Rechignac où elle l’avait entraîné sans plaisir mais sans répugnance pour le juger sans doute impitoyablement. La brûlure de cette déception le rapprochait d’elle par la mémoire, bien qu’il s’attribuât l’échec de ces moments-là sans la moindre indulgence. Il eût aimé pouvoir se réhabiliter. Elle y eût consenti quand à Ashby le danger les menaçait et qu’elle implorait son aide.
    « Non, elle n’implorait pas. Elle n’implore jamais ! Si nous nous revoyons… »
    Il n’osa inventer des étreintes lascives et pour s’en protéger, il essaya de recréer Blandine. De quelque façon qu’elle apparût dans sa mémoire, elle n’excitait jamais son imagination. Pourtant, lorsqu’il songeait à leurs premières nuits, il était certain d’avoir atteint les sublimités de l’amour. Après cette flambée de leurs ardeurs comblées, quelques semaines avaient suffi pour que morose, passive ou presque, son épouse s’accommodât de certains embrassements où ni son cœur ni sa charnalité pourtant révélée n’intervenaient plus… Et ç’avait été les marchandages implicites : «  Paie-moi ce manteau… Fais-moi présent de cette robe. » Il n’osait trop se les remémorer.
    Il avait peur pour elles deux. Blandine, indolente et fragile, pouvait succomber aux pestilences noires. Tancrède la garçonnière semblait plus solide… Et cependant… Fonder sa vie en dehors des coutumes et des

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