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L'épervier de feu

L'épervier de feu

Titel: L'épervier de feu Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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l’une à l’autre les étouffaient dans leurs ombres mêlées. Ils n’eussent guère été surpris de voir des archères s’illuminer successivement au passage de quelques errants vêtus d’un suaire.
    — Il nous faut un flambeau, dit Barbeyrac en mettant pied à terre.
    Saveuse offrit ses bras à Rosamonde ; dédaignant cet empressement, elle sauta de sa monture et s’éloigna de quelques pas. Les ténèbres l’absorbèrent.
    — Non, Loïs, dit Ogier. Ne comprends-tu pas qu’il lui faut être seule ?
    — Le flambeau ? interrogea Barbeyrac.
    — Il se peut, Étienne, que tu en trouves un sur chacun des seuils de ces tours : les usages sont partout les mêmes.
    — Tiens, dit Saveuse, prends cette escarcelle. Tu trouveras dedans la pierre, la bourre et le fusil.
    Barbeyrac s’éloigna. Quand il revint, devançant de peu Rosamonde, il brandissait un moignon suffisamment enflammé pour aider à d’autres investigations.
    — Attendez-moi, dit-il. Je monte jusqu’au châtelet pour voir si l’on peut faire bon usage du treuil et des chaînes.
    Ils attendirent, immobiles parmi les chevaux las et silencieux. Enfin, au-dessus d’eux, quelque chose grinça. Le pont remonta aussitôt, par secousses immodérées entrecoupées d’hésitations bruyantes qui laissaient prévoir ce qu’il advint : parvenu aux deux-tiers de son relèvement, le tablier s’immobilisa dans un hoquet sourd et définitif.
    — Il n’en peut mais ! hurla Barbeyrac dans la tour.
    Il réapparut, un nouveau flambeau dans son poing, trois autres sous l’aisselle, réjoui que tout assaut donné à la forteresse fût impossible.
    — Tenez, compères, allumez ces torches à mon feu en attendant d’enflammer des cierges et des chandelles si nous en trouvons quelque part.
    — Il nous faut surtout trouver un endroit pour dormir.
    Disant cela, Saveuse lançait sur Rosamonde un regard lui aussi enflammé. Elle n’en parut point ravie. Contournant sa jument, elle voulut se soustraire à la vue du Cambrésien qui en trois pas la rejoignit.
    — Ce Saveuse est un sot, murmura Ogier.
    — C’est toi qu’elle guigne, dit Barbeyrac. C’est dans tes bras qu’elle voudrait reposer.
    — Elle n’est pas plus pour moi que je ne suis pour elle. Loïs ne pourra pas nous reprocher de lui créer des difficultés.
    — C’est elle, je le crains, qui va nous en créer.
    Ne leur en infligeait-elle pas depuis Abbeville ? Elle les avait précipités dans une aventure pleine d’ennui, de fatigue et d’absurdité.
    — Une pute ? interrogea Barbeyrac.
    — Il se peut, Étienne. Mais elle fait des choix. Et Saveuse, tout comme Franque-Vie, ne la met point en appétit… Tiens, ils reviennent.
    Ogier sentit sur lui le regard inexorablement pareil de Rosamonde : vif, chargé de mystère et de lucidité, tandis que Loïs, parlant d’abondance de cœur, faisait en sorte de capter l’intérêt de la belle sans pouvoir y parvenir.
    — Allons-nous au donjon ?
    — C’est là, Étienne, qu’il convient de passer la nuit. Je crains qu’il ne soit vide… S’il y avait céans un baron et ses gens, nous en serions entourés.
    Chacun mena son cheval en silence, foulant des herbes sous lesquelles on sentait encore un pavement. Craignant de respirer des miasmes mortels, Ogier se retenait de gonfler ses poumons. Il ressentait l’influence quasi magique des pierres livides et des recoins saturés d’ombres sans même en définir les impressions, et le Noiraud qui soufflait fort sur la main crochetée à son frein devinait, lui aussi, qu’en ces lieux déserts couvaient plusieurs menaces. Pourquoi cette vacuité ? Les Goddons avaient-ils passé au fil de l’épée tous les êtres qui vivaient là ? La peste avait-elle effacé toutes les existences, – y compris celles des animaux – ? Il crut entrevoir, dans l’orbite d’une archère, une lueur aussi brève qu’un éclair. Non ! Il venait d’avoir une vision. Ce ne pouvait être que le reflet de la lune dans une étroite cavité de la muraille.
    Le donjon était rond, sévère. L’accès pouvait en être interdit par un pont heureusement abaissé.
    — Entrons tous, dit Saveuse. Même les chevaux.
    Sitôt le seuil franchi, les flammes soudain plus vives projetèrent une clarté tremblante et carminée sur les murs dont la concavité accentuait l’énorme apparence.
    — Holà ! fit Ogier. Où sommes-nous tombés ? Un tinel [65] ou un temple ?
    Environ une toise

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