Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
L'épervier de feu

L'épervier de feu

Titel: L'épervier de feu Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
Vom Netzwerk:
ils se sentaient enveloppés par son regard. Il émanait de Rosamonde, sous une douceur mélancolique, une force que, pour sa part, Ogier supportait mal. Il vit maître Voivenel apparaître en chemise, échevelé, indécis.
    — Je n’ai pu accourir avant.
    « Parce que tu chevauchais une de tes servantes. »
    Barbeyrac ferma la porte sur le couple nouveau, toujours embrassé :
    — Nous vous paierons, messire, le bris de cette porte et le changement de verrou, bien que nous n’y soyons pour rien.
    — Nous allons descendre avec vous, messire, dit Ogier, et préparer nos chevaux.
    — Vous partez cette nuit !
    — Nous partons omniement [56] et dame Rosamonde avec nous… Vous allez nous montrer son cheval ou sa haquenée.
    — Qu’avez-vous fait de messire Franque-Vie ?
    — Hein ? fit Ogier.
    — Ou Morel, ajouta maître Voivenel… Messire Guillaume Morel est un substitut du héraut d’armes de Valenciennes, familier de Guillaume de Hainaut, comte d’Ostrevant… dont on dit aussi qu’il peut être le bâtard… Quand le comte adouba son fils, voici dix ans, messire Franque-Vie apprêta la cérémonie… Autant vous dire que ce marchand sait tenir une épée… Il va s’exerciser avec les Teutoniques chaque fois qu’il se rend aux Allemagnes. C’est Jean d’Avesnes, seigneur de Beaumont, la fleur de la chevalerie, qui lui donna ses premières leçons [57] .
    — Pourquoi vit-il si loin de son pays natal ?
    — Sa mauvaiseté l’en a fait chasser… il y a dix ans.
    — Pourquoi ?
    — Deux ou trois occisions de maris jaloux qu’il leur ait emprunté leur femme.
    Ogier considéra froidement Barbeyrac. Il le trouvait tout à coup déplaisant. Différent de ce qu’il avait été jusque-là.
    — Voilà, Étienne, une belle et bonne action qui peut s’achever dans le sang de l’un d’entre nous. Rosamonde est mariée…
    — Elle le fut si peu !
    — Nous ne serons rien d’autre que ses ravisseurs.
    Maître Voivenel acquiesça, les yeux mi-clos, la face indéchiffrable. Cet esclandre lui avait plu et pourtant il éprouvait un malaise. « Le même que le mien », se dit Ogier, qui ajouta :
    — Avec la peste devant nous et ce Morel derrière, – car je suis sûr qu’il nous pourchassera –, nous commençons notre retour dans le royaume sous les plus noirs auspices.
    Il hésita. Il concevait nettement qu’il devenait hargneux, désagréable. Mais pourquoi pas ? Par amitié, il ne devait point redouter les exigences d’une vérité qu’il commençait à craindre :
    — Il se lancera à notre ressuite. Ne venez pas vous plaindre !
    Et fermement, il ajouta :
    — Ni elle !

DEUXIÈME PARTIE

NEUF CHEVALIERS FAROUCHES

I
    — Le voilà ! s’écria Ogier.
    Depuis deux jours qu’il se maintenait à l’arrière, moins pour déjouer un assaut de Franque-Vie que pour assister à son apparition, ses prévisions sinon ses craintes se trouvaient confirmées : l’époux de Rosamonde venait d’accéder au sommet d’une butte, à moins de cinquante toises. Maintenant, il tombait en arrêt, hautain et menaçant sur un fond de ciel livide.
    — Que vous avais-je dit ?
    Contrairement à Barbeyrac, Saveuse ne se retourna pas. Cessant de paroler avec sa protégée, il remua un poing haut et impétueux. Puis, sa fureur épuisée :
    — Il n’osera nous assaillir. Il est seul.
    Ogier trouva cette fermeté de ton et d’attitude insincère.
    — Qui sait, Loïs ? dit-il. S’il se montre, c’est qu’il se sent puissant. Quand on a de quoi payer, il est aisé de s’entourer de satellites… Je vous avais prévenus qu’un tel homme pouvait se montrer dangereux. Il nous en fournira la preuve. La vengeance le hante et lui chauffe les nerfs.
    — Il est seul, affirma Barbeyrac. C’est perdre son temps de le craindre.
    Rosamonde jeta un bref regard par-dessus son épaule :
    — Défiez-vous de lui.
    Le conseil s’adressait à Ogier. Saveuse le prit à son compte :
    — Ce malandrin ne saurait m’effrayer. Ne redoutez point, m’amie, qu’il vous reprenne.
    Ogier se retourna encore.
    Franque-Vie montait un coursier blanc à crinière et queue gris sombre. Une houppelande rousse tombait de ses épaules jusqu’à la croupe de son coursier. Sa senestre tenait les rênes contre le pommeau de sa selle ; son bras dextre pendait le long de son flanc. Une épée nue, miroitante, le prolongeait. Il avait des heuses rouges, de la même couleur et du même cuir que

Weitere Kostenlose Bücher