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L'épervier de feu

L'épervier de feu

Titel: L'épervier de feu Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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en Normandie. Leur arc était un long bow que le plus grand et plus âgé avait peint en vermillon. Les trois derniers, l’épée d’arçon au poing, la hache d’armes au côté, montraient sous leur chaperon vermeil des faces glabres, sereines.
    — Bien vêtus, ceux-là, murmura Barbeyrac. Flotternel [91] doublé de fourrure, belles chausses et houseaux de cuir…
    — Eux aussi, des malandrins.
    — Trois capitaines dévoyés.
    « Gros gibier », songea Ogier.
    Un gibier différent des autres ; un gibier à sa semblance qu’il examinait avec une curiosité singulière et un appétit mortel. Trois têtes jeunes, fières. Trois corps élancés, vigoureux, qu’il allait falloir détruire.
    Par une superstition qui l’eût égayé la veille encore, Ogier portait dans son dos un des carquois de la pucelle en robe blanche et venait d’encocher une de ses sagettes. Repliée sur la poignée de cuir du long bow abaissé, sa senestre ne tremblait pas. Pour survivre et porter ses coups promptement, il allait devoir oublier tout, sauf ces hommes qui s’approchaient sans hâte, l’arbalète ou le grand arc prêt à cracher son dard.
    — Franque-Vie est derrière, Étienne. Invisible pour le moment… Il conduit un troupeau de bêtes effrayantes. C’est la peste qui les a engendrées !
    Ces hommes redoutables, ce n’était pas l’orgueilleuse truanderie d’un Robert Knolles, ni la plèbe insolente et féroce qui composait l’avant-garde des armées d’Édouard III, ni la tourbe éruptive qui ceignait çà et là les champs clos et que le goût et l’odeur du sang subjuguaient. C’était, à les bien observer dans leurs mailles ternies, haillonneuses, l’élite des maufaiteurs, l’incarnation du mal patient et joyeux, car l’arbalétrier qui devançait ses compères venait de se mettre à chanter, le regard droit, faisant à ses dons de promptitude et de précision une confiance outrancière. Le second, à peine moins hardi, souriait, tandis que son regard volait sur tout ce qui composait la cour : murs, toitures, portes, arbrisseaux, et le puits sur la margelle duquel deux pigeons roucoulaient. Les autres mercenaires présentaient des mines réjouies. Tout était simple : ils vaincraient. Ils avaient oublié le sort de leurs deux agiles compères lors d’un médiocre et mortel clair de lune.
    — On ne voit que le chapel de fer de Franque-Vie. Il a dû se courber ou…
    À quoi bon paroler. Il n’en était plus temps.
    — Prends garde, Étienne. Quand ils seront au puits, j’avertis Rosamonde !
    Les pigeons s’envolèrent. Ogier bondit et leva son bras droit. Le bruit des chaînes relevant le pont se fit aussitôt entendre, suivi du cri de rage de Franque-Vie, vêtu de mailles, lui aussi, et qui, malgré leur poids, courait vers l’huis cuirassé de fer de la tour portière et s’enfelonnait à l’ouvrir.
    Les malandrins s’étaient arrêtés, indécis. L’arbalétrier chanteur s’affaissa, touché au ventre ; le second lâcha son arme et chancela, une main sur sa poitrine traversée de part en part. Un archer s’avisa du puits et voulut s’y protéger ; une flèche vibra dans sa gorge avant qu’il y fût parvenu.
    — Trois ! s’écria Étienne.
    Son rire s’enrouait, désagréable. Une sagette siffla, enlevant dans son vol un fragment de pierre du chambranle. Ogier avait baissé la tête. Quand il la releva, il sut ce que la pâleur d’Étienne signifiait. Il lui avait connu ce visage à Ashby, avant son mortel combat contre Simon de Brackley. Au lieu que ce fut de la peur, une résolution terrible le défigurait.
    — Nous les tuerons tous ! Hâte-toi d’en finir avec ces archers !
    L’un d’eux courait, cherchant un refuge. D’une voix stridente de rage et d’un doigt qui tremblait, Étienne commanda :
    — Lui ! Lui !
    L’archer se replia sur lui-même, jetant un cri rauque, mi-partie douleur, mi-partie horreur tout en essayant d’extraire le bois qui lui pourfendait le ventre.
    Les survivants hurlaient et cherchaient un abri. Franque-Vie s’était retourné. Le dos collé à la porte de la tour, il offrait une cible parfaite.
    Ogier banda son arc ; le trait hâtivement décoché se rompit contre une penture, au-dessus de la tête de l’homme.
    « Un arc, trois épées, Franque-Vie », songea-t-il.
    — Ils courent vers nous ! gronda Étienne.
    Ogier tira une sagette hors du carquois, ajusta le dernier archer.
    — Merdaille ! enragea-t-il.

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