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L'épervier de feu

L'épervier de feu

Titel: L'épervier de feu Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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fois ces appareils. S’ils défaillent, nous ne pourrons résister longtemps… Ne crois-tu pas qu’il serait préférable de nous mucer et catir [89] derrière les vantaux demi-clos de l’écurie après avoir fermé celui-ci ? Ils penseraient que nous sommes à l’intérieur. Quand ils seraient disposés à entrer, tu pourrais en percer quelques-uns dans le dos.
    — Ils sauraient d’où j’aurais décoché mes sagettes. L’écurie n’est pas un sûr refuge… Trop de paille… Ils pourraient y bouter le feu. Ainsi, nous péririons rôtis car il n’y a aucune issue pour fuir : le mur du fond est celui de l’enceinte… J’ai pensé comme toi quand l’aube se levait. J’ai erré dans la cour sans rien trouver qui me satisfasse.
    — Si je sors vivant de ce maudit château, j’apprendrai à tirer à l’arc ! Comment vais-je t’aider ? Je ne puis courir au-devant de cette crapule !
    — On nous aidera.
    — Qui ? Les Neuf Preux ? Comment ?… Ah ! tu vois : tu ne sais répondre !
    — J’ai bon espoir.
    — Tu commences à croire aux fées !
    Ogier serra les dents sur un cri de colère. Puisqu’un pas-de-souris permettait à un bienfaisant fantôme de quitter la machinerie de l’entrée, ce passage secret ne pouvait mener qu’au donjon – ou dans un lieu qui communiquait souterrainement avec lui.
    — Je crois aux fées. Les Argouges y ont toujours cru. Je me demande seulement comment celle que j’ai entrevue fera pour atteindre la chambre de la herse. Ces carquois que tu vois ne sont pas venus seuls. On me les a lancés. Elle me les a offerts.
    — Ta derverie [90] m’effraye !
    Ogier s’abstint d’un commentaire acerbe sur la couardise inavouée de son compère. Une jouvencelle était là, qui les épiait depuis leur arrivée dans l’enceinte. De l’énigme de cette survivante, il ne voulait rien savoir d’autre que son alliance à leur cause, justifiée par le don de deux carquois emplis de sagettes neuves. Qu’elle n’osât se montrer était certes dommage, mais puisque c’était sa volonté, il acceptait de lui complaire. Certes, une étrangeté régissait les gestes et les propos de leur singulière accointance. Mieux valait que ce fut un charme bienfaisant qu’une sorcellerie.
    — Tu ne dis plus rien, Ogier.
    — As-tu senti ce brusque coup de vent ? Je me dois d’y penser en lâchant mes sagettes.
    — Tu vises au cœur… Un souffle et tu manques ton homme.
    — N’aie crainte : je ferai de mon mieux. Si je meurs et que tu survis, va tout de même à Gratot… Et ne perds pas ton temps à m’ensépulturer. Offre-moi en pâture aux regards des Neuf Preux.
    Ogier toucha soudain le bras d’Étienne :
    — Les voilà !
    Un second coup de vent apporta, d’au-delà du fossé, une rumeur de rires et de jurements qui se fortifiait sans interruption, indice qu’à défaut d’en posséder vraiment, on se donnait du courage : on s’ébaudissait pour dominer son émoi ; on avait le cœur froid et du fiel sur les lèvres.
    Bientôt, la horde apparaîtrait et s’élancerait sur le pont dont le tablier frémirait et bourdonnerait un bref moment sous des semelles impétueuses. Pourvu que Rosamonde pût dominer sa terreur et relever le tablier qu’elle avait su si bien baisser.
    — Nous les aurons à merci, dit Ogier avec une assurance que le frémissement de sa voix démentait.
    Étienne resserra d’un cran son ceinturon et dégaina son épée :
    — J’en formule le vœu…
    Ils s’égosillaient, maintenant. Avant même qu’ils l’eussent passée, la voûte d’entrée était emplie de leurs voix et du tintement de leurs armes. Le bruit s’atténua, se grapilla, se dégonfla pour devenir une espèce de gros murmure de délibération et d’incertitude.
    Il fallait attendre et voir. Les voir. Maintenant, ils ne riaient ni ne parlaient. Un frisson d’impatience traversa Ogier des épaules aux reins.
    — Les voilà !
    Le pont retentissait sous des foulées précipitées.
    — À la grâce de Dieu ! dit Barbeyrac en se signant.
    Les arbalétriers, résiduaires d’une phalange certainement vaincue, portaient la cervelière à nasal et le haubergeon. Barbes noires, ébouriffées ; visages rougeauds, le dos voûté par le port d’un pavois imaginaire, ils avaient encoché leur carreau et semblaient assurés de leur habileté. Les trois archers, camail de mailles au vent, semblaient, dans leurs haillons, des mercenaires gascons égarés

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