Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
L'épervier de feu

L'épervier de feu

Titel: L'épervier de feu Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
Vom Netzwerk:
contours abrupts, hostiles. Pour lui, si Franque-Vie et ses hommes entraient, c’était la fin de tout. Il ne le pouvait tolérer.
    — Non, Étienne, je ne suis pas fou. Nous abaissons le pont. Ils pensent : «  Ils vont sortir. » Or, nous restons en deçà des murailles. La haine et la curiosité les poussent à entrer prudemment, un par un, pour se rassembler dans la cour… Rien. Aucun cheval en vue… Bien sûr, nous ôterons le corps de Saveuse afin qu’ils pensent que nous sommes toujours trois…
    — Continue.
    — Ils s’avancent, se dispersent. Certains prétendront que nous avons trouvé refuge au donjon, d’autres que nous avons découvert une issue pour disparaître. Ils s’enhardiront encore, tu verras. Quand ils seront suffisamment éloignés du pont, celui-ci remontera, leur empêchant toute fuite.
    — Qui le manœuvrera ?
    — Rosamonde, puisque nous aurons, nous, à occire ces malandrins.
    Barbeyrac fit la lippe : il voyait la bataille et la trouvait funeste. Cependant sa vision s’embruma ; l’espérance le prit :
    — Rosamonde consentira-t-elle ? Saura-t-elle remonter ce pont ?
    — Elle sait que si Franque-Vie la reprend à ses hommes après qu’elle les ait subis, sa vie ne sera qu’une succession de sévices. Liberté ou servage ? Tel est son choix. C’est pourquoi bon gré mal gré, elle est obligée de nous obéir. Elle acceptera. Je lui montrerai comment manœuvrer la signole [82] . D’ailleurs, sous le poids du tablier, les chaînes, une fois décliquées, s’abaisseront toutes seules.
    — Soit… Nous serons, cependant, toujours deux contre neuf.
    — Sans pour autant me prendre pour Shirton, je peux diminuer le nombre de ces hommes.
    — J’en suis sûr, mais tout de même…
    — Ce ne sont que des fredains [83] .
    — Tu peux en occire deux… trois…
    — Quatre… Regarde : tous les bâtiments ont leur porte close, sauf l’écurie que nous allons fermer. Ils n’auront aucune refuite [84] pour échapper à mes sagettes ; j’aurai tout loisir de les transpercer.
    — Ils sauront de quel lieu tu les ajusteras !
    — C’est pourquoi il me faut meurtrir les archers et les arbalétriers.
    À toutes les objections de son compère, Ogier trouvait une réponse non seulement prompte, mais sensée. Il n’avait jamais été favorisé par les conjonctures ; il se sentait présentement imbu d’une telle somme de possibilités qu’il découvrait, dans l’événement le plus ingrat et le plus dangereux de cette matinée, la seule astuce qui lui permettrait de poursuivre son cheminement vers Gratot. Il n’avait point imaginé un départ aisé ; en lui, pour le réussir, s’incarnait du malandrin plutôt que du chevalier. Mais la différence était-elle si énorme ?
    — Je te fais confiance, Ogier, mais…
    — Par le sel de ton baptême, c’est parce que tu ne peux faire autrement. Tu resteras près de moi. Quand nous apparaîtrons, ce sera pour reculer dans le donjon.
    —  Reculer  !… Tu devrais détester ce verbe !
    — Je le déteste, mais c’est encore, en l’occurrence, une cautelle [85] qui nous sauvera !
    Barbeyrac cette fois, leva les bras au ciel. Deux carreaux vrombirent au-dessus de sa tête.
    — Ils sont impatients, dit Ogier. Garde-toi.
    Il s’accroupit, le dos contre un merlon, dans l’encoignure de la tour portière. Barbeyrac, l’échine courbée, l’y rejoignit.
    — Ce matin, Étienne, quand le jour s’est levé, je suis revenu sur le seuil du donjon. Juste sous le porche d’entrée, il y a un assommoir. Nous nous tiendrons dessous et reculerons quand ils seront à dix ou douze pas. Lorsqu’ils avanceront, les pierres qu’il contient les écraseront.
    Un rire. Il s’y attendait.
    — Si Rosamonde est occupée au pont-levis, elle ne pourra aussi manœuvrer l’assommoir… De plus, nous ignorons comment on y accède.
    — C’est vrai, mais quelqu’un nous aidera… Quelqu’un qui nous observe et connaît nos propos…
    Ogier s’était mis à élever la voix. Il regardait l’archère qui défendait le flanquement de la tour portière où il avait entr’aperçu la blonde et fervente inconnue. Il avait besoin que la divinité topique de ces lieux fut présente, aux aguets, et qu’elle les secourût.
    — De qui veux-tu parler ? demanda Barbeyrac.
    Ogier descendit dans la cour. Il regarda de bas en haut cette tour que hantait un fantôme vivant. Il fallait qu’il fût là maintenant et

Weitere Kostenlose Bücher