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L'épopée des Gaulois

L'épopée des Gaulois

Titel: L'épopée des Gaulois Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean Markale
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du continent.
    — Je sais que César en a été très mortifié, dit Commios. Il doutait de moi, c’est certain, mais il voulait me ménager parce qu’il avait trop besoin des Atrébates et des Morins. Il a même prétendu que j’avais été fait prisonnier par les Bretons, ce qui lui permettait de ne pas perdre la face et de clamer haut et fort qu’il avait réussi à me délivrer de ma prison. Une fois sur le continent, il a eu d’autres affaires à régler, mais bientôt Mandubraccios est revenu à la charge 12 . C’est pourquoi César s’est décidé à entreprendre un nouveau débarquement sur cette île. Il y prend pied, c’est sûr, mais ses navires sont vraiment poursuivis par un mauvais destin : ils subissent de grandes avaries pendant une tempête et les Romains perdent un temps précieux à les réparer. Une fois de plus, voici le proconsul coupé de ses arrières.
    — Mais nous avons bien profité de ce répit ! s’écria Cunobélinos. Notre résistance s’est organisée sous la direction de Cassivellaunos qui était directement visé par l’intervention des Romains. Avec une tactique très habile, ses hommes ont harcelé les légionnaires et leur ont infligé des pertes sévères sans qu’ils puissent véritablement y répondre. En effet, ils ne connaissaient pas le terrain et se trouvaient en état d’infériorité chaque fois qu’un combat était engagé. Bref, César a vite compris qu’il s’était fourré dans un guêpier dont il devait se dégager sans perdre la face. Il a eu de nouveau recours à toi et il t’a envoyé traiter avec Cassivellaunos.
    — C’est sûr ! dit Commios. Tout proconsul qu’il était, il n’était pas fier. Il m’a supplié de tenter l’impossible pour obtenir une paix qui ne fût pas préjudiciable au prestige romain. Tu penses bien que j’étais ravi de la situation : c’était moi qui étais le maître du jeu. Et je me suis entendu avec Cassivellaunos. César, qui était pressé de retourner sur le continent, demanda encore une fois des otages, interdit formellement à Cassivellaunos de tenter quoi que ce fût contre Mandubraccios et fixa la somme d’un tribut que les peuples bretons devraient désormais payer à Rome en échange de leur liberté.
    — C’est un tribut que les Bretons n’ont jamais payé !… s’écria Cunobélinos en riant. En tout cas, ami Commios, c’est bien grâce à toi que nous sommes tirés de cette affaire 13 . Nous t’en gardons une éternelle reconnaissance !…
    — C’était normal, répondit l’Atrébate. D’ailleurs, mes ennemis ne se gênent pas pour dire que mon nom signifie « courbe ». Ils en profitent pour prétendre que j’ai penché là où se révélait mon intérêt. Pourtant, je t’assure, Cunobélinos, si j’ai souvent plié, jamais je ne me suis rompu.
    Les quatre hommes s’enfermèrent dans un long silence. La femme et la jeune fille s’affairaient autour d’eux et préparaient des écuelles afin de servir la soupe qui bouillait dans le chaudron.
    — Tu sais, Commios, Commios le Courbe, comme tu te plais à le dire toi-même, reprit Cunobélinos, nous serions heureux si tu voulais nous raconter ce que tu connais de l’histoire de tes ancêtres. Ils sont aussi les nôtres. Et tu es leur témoin, peut-être leur dernier témoin… Nous allons partager notre repas et ensuite, jusqu’à ce que le sommeil nous gagne, nous t’écouterons.
    — Bien volontiers, répondit l’Atrébate.
    Et ce fut ainsi que, toute la nuit, Commios l’Atrébate raconta à ses hôtes l’étrange épopée des Gaulois 14 .
     

CHAPITRE I

Le temps des origines
    Le grand guerrier à l’abondante chevelure rousse était monté sur un tertre et regardait l’horizon avec attention. Devant lui, sous un ciel bas et gris, la mer s’étendait à une certaine distance, mais se perdait ensuite dans une brume indécise. De grosses vagues s’élançaient vers le rivage et, chaque fois qu’elles heurtaient un rocher, elles jaillissaient en gerbes d’écume que le vent dispersait. Car le vent n’avait cessé de souffler depuis le lever du jour et, au fur et à mesure que le temps s’écoulait, il devenait plus fort, plus violent, suscitant des bourrasques qui soulevaient les feuilles mortes et les entraînaient dans toutes les directions. Et ce vent qui venait du nord était froid. Le grand guerrier frissonnait et, malgré sa taille et sa corpulence, il se sentait sur le point de vaciller tant les

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