L'épopée des Gaulois
souffles d’air s’acharnaient contre lui, menaçant de lui faire perdre son équilibre.
Il redescendit lentement le long de la pente, mais il sentit que le vent n’en avait pas pour autant lâché prise. Il marcha péniblement vers les maisons regroupées dans une sorte de vallon abrité de la mer par une barre rocheuse déchiquetée qui paraissait une muraille construite de main d’homme. Il traversa une grande prairie où des vaches, sans doute mal à l’aise de se trouver en plein vent, s’étaient rassemblées derrière un monticule plus important, croyant sans doute avoir découvert en cet endroit un asile sûr. Mais en passant près d’elles, le grand guerrier constata que le vent s’infiltrait partout et qu’il tourbillonnait avec autant d’intensité autour du troupeau que dans les moindres replis de terrain.
Il approchait des maisons. Elles étaient assez nombreuses, certaines rondes, d’autres rectangulaires, mais toutes recouvertes d’un toit de chaume. On pouvait voir des fumées s’échapper du sommet de leurs toitures, mais la force du vent était telle qu’elles ne pouvaient s’élever : elles se dispersaient tout autour et devenaient invisibles. Et le grand guerrier sentait leur odeur âcre parvenir jusqu’à lui. Il n’eut plus qu’une idée en tête, se réfugier dans sa propre demeure et s’allonger près du foyer pour oublier les souffles froids qui le fouettaient jusqu’au sang.
Il s’engageait entre deux rangées de maisons lorsqu’il se trouva face à un homme assez âgé dont la longue robe blanche se plaquait contre le corps. Le vieil homme portait autour de son cou un torques d’or magnifiquement ouvragé.
— Je te salue, ô Vissurix, notre druide, dit le grand guerrier. Que fais-tu dehors par ce temps détestable ? Ce n’est guère le moment d’aller dans la forêt pour y accomplir tes rituels. Ce vent risque de briser des branches et même des arbres entiers.
— Aussi n’y allais-je pas, ami Garganos, répondit le vieil homme. Je voulais seulement examiner le ciel pour savoir comment se passerait cette nuit.
— Et quelles sont tes conclusions, ô sage Vissurix ? demanda le guerrier que son interlocuteur venait d’appeler Garganos.
— Je n’aime pas cela, dit le druide d’un air soucieux.
— Et pourquoi donc ? insista le guerrier.
— Viens dans ma demeure, nous y serons mieux pour parler auprès du feu.
Le druide rebroussa chemin et, suivi par Garganos, il longea plusieurs maisons avant de s’arrêter devant une hutte ronde assez spacieuse dont la porte d’entrée était obstruée par un lourd rideau de cuir qui frémissait à peine malgré les coups qu’y frappait le vent. Ils entrèrent et allèrent s’asseoir près du foyer où brûlaient de grosses bûches dont les flammes répandaient une épaisse fumée.
— Il fait bon chez toi, dit Garganos. On s’y sent en sécurité. Je suis allé jusqu’au grand tertre et, de là, j’ai pu observer la mer. Les vagues sont énormes et le vent est terrible. J’ai peur que nous ne subissions une violente tempête cette nuit.
— Que les dieux nous protègent !… s’écria le druide. Je crains aussi cette tempête, car les présages ne sont pas favorables. Je me suis aperçu que tous les oiseaux avaient quitté la plaine, et c’est très mauvais signe.
— Cependant, reprit le guerrier, nous ne risquons rien à moins que le vent ne nous arrache nos toitures. Le puits est bien surveillé.
— Oui, répondit Vissurix, le puits est bien surveillé. C’est une jeune fille de confiance qui a cette tâche. Je sais que Sirona est fort sérieuse et qu’elle prend à cœur son office. Mais je m’inquiète à propos de ce puits.
— Mais pourquoi donc ? Tant que la dalle qui le recouvre sera en place, cette plaine est protégée du péril de la mer.
— C’est ainsi qu’on nous l’a toujours affirmé. Mais, mon brave Garganos, la mer est un élément fougueux, dangereux, meurtrier.
— Nous vivons pourtant très bien sur ces rivages et nous n’avons jamais eu à redouter qu’elle déborde et envahisse cette plaine qui est notre richesse et où nous avons tous nos habitations.
— Je ne suis pas aussi confiant que toi, Garganos. Écoute-moi, il y a des choses que tu ne sais pas et qu’il est peut-être temps de te révéler. En attendant, veux-tu boire de cette excellente bière ?
— Très volontiers, ô sage Vissurix. Mais je te promets d’être plus tempérant
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