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Les 186 marches

Titel: Les 186 marches Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Christian Bernadac
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bombardement allié sur Linz et ramené au camp, fut placé, après sa guérison, à la cuisine. Quelques-uns des nôtres entrèrent, d’autre part, à la blanchisserie du camp (Wäscherei), véritable petite usine – j’y travaillai moi-même du 1 er juillet à la mi-octobre – et à la désinfection ; ce dernier kommando avait pour tâche de passer à la chambre à gaz les vêtements des arrivants, que recevait ensuite le magasin. Aux uns et aux autres fut donnée la consigne d’« organiser » à outrance. Celui qui faisait l’opération à ses risques et périls – risque de pendaison – gardait pour sa « famille » et pour lui-même une part du produit ; le reste devait être réparti entre les autres familles, à tour de rôle. Le préposé à cette répartition fut choisi en la personne de Georges Rondot, qui habitait au block 8 et fut mis en contact avec tous les responsables de blocks. Ainsi, vers la fin de juin 1944, nous trouvions-nous à pied-d’œuvre pour appliquer, en matière de solidarité, les consignes de Résistance élaborées à Compiègne.
    – Dans un camp de concentration, la solidarité devait, pour être efficace, s’exercer dans bien des domaines divers. Il fallait défendre nos compatriotes contre la faim, le froid, la maladie, le cafard ; maintenir leur courage en leur donnant un aliment approprié aux besoins de chacun : aux croyants le réconfort qu’ils attendaient de leur religion ; à tous, la confiance dans la victoire finale de notre cause. Il faudrait un gros livre pour exposer en détail ce que fut le ravitaillement clandestin du « collectif » français à Mauthausen, les ruses, les combinaisons parfois invraisemblables qu’il fallut échafauder.
    – La nourriture que nous recevions consistait essentiellement en soupe (un litre à midi) et en pain (300 grammes environ le soir). La soupe du camp, toujours mauvaise et parfois immangeable, était dédaignée par les internés, assez nombreux, qui avaient le moyen de manger autre chose, Tchèques, Allemands, Polonais, Autrichiens qui recevaient de chez eux des colis de vivres ; prominente qui, par la vertu de l’organisation, ne manquaient de rien ; travailleurs de certains kommandos – la cuisine S. S., par exemple – qui recevaient sur le lieu de leur travail une soupe de meilleure qualité. De ce fait, une assez grande quantité de soupe se trouvait chaque jour disponible dans le camp, puisque chaque block en recevait, de la cuisine, autant de rations qu’il comptait d’occupants. En principe, chaque homme devait recevoir un litre environ, et le surplus devait être retourné à la cuisine.
    En fait, nous réussîmes vite à récupérer une partie de cet excédent. Celui-ci était particulièrement important dans les blocks où logeaient de nombreux prominente, le block 2 tenant, à cet égard, le premier rang. Il ne fut pas très difficile de nous y ménager quelques intelligences, grâce auxquelles, chaque jour, plusieurs dizaines de litres de soupe furent à notre disposition. De même, à l’infirmerie (installée d’abord au block 5 puis, plus tard, dans un bâtiment construit en dur), où n’étaient admis, sauf exception, que des « notables », nous recevions, chaque jour, un seau de soupe commune. Cette opération comportait des risques ; il n’eût pas fallu que le porteur du seau rencontrât, dans une allée, un S. S., ni même un chef de block trop curieux ou de mauvaise humeur… Chaque jour, pourtant, cette organisation fonctionna ; grâce à quoi tout Français qui, après l’absorption de sa ration réglementaire, n’était ni rassasié ni dégoûté, put recevoir un appréciable supplément. Lorsque, à la fin de 1944 une seconde, puis une troisième quarantaine furent ouvertes, (camp II et camp III), le ravitaillement des Français qui s’y trouvaient posa de bien difficiles problèmes. Ces camps, en effet, étaient en principe fermés ; arrivées de nouveaux convois, départs en kommandos extérieurs s’y succédaient sans trêve. Aussi, nous était-il fort malaisé d’y repérer la présence de compatriotes et de prendre contact avec ceux-ci ; plus malaisé encore de les ravitailler. Lorsqu’en janvier-février 1945, je fus affecté au Schneekommando (enlèvement de la neige) où l’on travaillait rarement l’après-midi, je me chargeais de recueillir l’excédent de soupe de l’infirmerie et de l’introduire, chaque jour, dans le camp II. Il fallait,

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