Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen

Les 186 marches

Titel: Les 186 marches Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Christian Bernadac
Vom Netzwerk:
groupe de direction, c’est-à-dire avec Savourey, Fichez ou moi-même. Grâce à cette structure, les risques étaient réduits au minimum, et notre comité des quatre en mesure de contrôler tout ce qui se passait dans le « collectif » français.
    – Nous nous réunissions au moins une fois la semaine, le dimanche, jour où chômaient la plupart des kommandos. Mais bien souvent, une affaire urgente nous contraignit à nous concerter au moment le plus inopiné. Nous réunir, c’était déambuler à travers le camp ; certaines allées, ni trop désertes, ni trop fréquentées, avaient notre préférence. Nos longues et fréquentes conversations à quatre éveillèrent-elles jamais des soupçons ? Je ne le crois pas. Des Français qui jouèrent un rôle actif dans l’organisation me confièrent, après la Libération, qu’ils n’avaient point connu, ni même présumé, la composition du groupe de direction. Nous n’en prenions pas moins toutes les précautions possibles. Nous pourrions être arrêtés, puis questionnés séparément sur l’objet de notre conversation ; nous convenions donc, au début de chaque-réunion, de la réponse à faire en pareil cas. Le même alibi pouvait servir aussi longtemps qu’il n’était pas « brûlé ». Je me rappelle qu’en août 1944, lors de l’insurrection parisienne qui hérissait de barricades les rues de la capitale, nous choisîmes, comme sujet fictif de conversation, la satire de Boileau sur « Les Embarras de Paris ».
    – « Organiser la solidarité », avions-nous proposé à nos camarades ; « distribution de suppléments alimentaires », avions-nous annoncé à chaque « famille ». Mais à partir de quelles ressources organiser la solidarité ? Où prendre ces suppléments ? Le « collectif » français était l’un des plus malheureux du camp. Nos camarades – à l’exception des N. N. – avaient obtenu à trois reprises, de décembre 1943 à juillet 1944, l’autorisation, d’adresser à leur famille une carte-correspondance. Ainsi, quelques-uns d’entre eux avaient-ils reçu des colis de France ; mais c’était fort peu de chose au regard de ce qui parvenait, par exemple, aux Allemands et aux Autrichiens, aux Polonais, aux Tchèques. Encore les S. S. et le kapo de la poste du camp – une crapule prénommée Georg, que nous appelions « le Grand Georges » – prélevaient-ils, à l’arrivée, une notable part de ces paquets.
    – Les déportés qui nous arrivèrent de Buchenwald (février 1944), puis de Sachsenhausen (février 1945) purent mesurer, en entrant à Mauthausen, l’aggravation de leur sort. A Buchenwald, les colis arrivaient en grand nombre ; et, le camp étant administré à l’intérieur par des politiques (rouges) et non par des droit commun (verts), le régime alimentaire y était sensiblement meilleur que le nôtre. Quant aux arrivants de Sachsenhausen, chacun d’eux venait de recevoir, dans les deux mois écoulés, plusieurs colis de la Croix-Rouge. De quoi nous faire rêver… On proposa aux quelques Français qui recevaient des paquets familiaux d’en abandonner la vingtième partie à la solidarité ; par exemple, cinq morceaux de sucre pour un kilo. Au total, la masse à répartir était minime. D’ailleurs, après le débarquement de juin 1944, le courrier de France se raréfia, puis, à la fin de l’été, vint à manquer complètement. Force était donc de chercher, pour le « collectif » français, une autre source de ravitaillement.
    – Je comprenais alors, après deux mois d’internement, ce que nous avait dit, en termes un peu brutaux, l’Espagnol rencontré le matin de notre arrivée à Mauthausen : « Ici, si tu ne voles pas, tu crèves. » Très exactement, il n’avait pas dit : « Si tu ne voles pas », mais « si tu n’organises pas ». De fait, on ne prononçait guère, au camp, le mot de vol. Prudence ? Ou sorte de pudeur dans un milieu où abondaient les cambrioleurs professionnels ? On disait : organisation, et organiser (en allemand : organization et organizieren). Cette « organisation-là » était reine, à Mauthausen. Elle était pratiquée non point par les plus miséreux, mais par les « verts » allemands dont la plupart recevaient de nombreux paquets familiaux. Nul ne peut se vanter, je crois, d’en avoir pénétré tous les arcanes. A un certain degré, les S. S. même y étaient mêlés. En voici un exemple :
    – Quand un Häftling

Weitere Kostenlose Bücher