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Les 186 marches

Titel: Les 186 marches Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Christian Bernadac
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entrait au camp, on indiquait sur sa fiche le nombre de couronnes d’or qu’il avait sur les dents. S’il mourait, l’or était récupéré. Un « vert » était chargé de cette besogne : un pied posé sur la tête du mort, il arrachait la couronne à l’aide d’une paire de pinces à long manche. L’or était remis aux S. S., qui en prélevaient une part et livraient le reste au Grand Reich. Mais les « verts » profitaient, eux aussi, de l’opération : le préposé à l’extraction « oubliait » quelques couronnes, et le kapo du crématoire, quand les cadavres lui arrivaient, procédait à l’ultime récupération. A la fin de 1944, nous apprîmes que ce kapo avait été arrêté et pendu ; on avait trouvé, dans une cachette aménagée par lui, une centaine de kilos d’or. De tels règlements de comptes étaient fréquents entre les S. S. et les prominentes « verts » : ceux-ci avaient recours à ceux-là pour emporter hors du camp ce qu’ils y avaient pu « organiser », mais les S. S. n’étaient pas toujours « réguliers ». Tandis que je travaillais à la
    Häftlings Bekleidungs Kammer, je fus témoin du trafic de vêtements que faisait avec l’extérieur le kapo de ce kommando ; il s’agissait des plus beaux complets, manteaux, sous-vêtements… Ici encore, le S. S. kommandofiihrer était l’indispensable complice.
    – Un jour, poussant avec quelques camarades une voiture chargée de linge mouillé, je vis, dans la seconde enceinte, surgir un individu qui savait, de toute évidence, l’itinéraire de notre charrette ; en un clin d’œil, il jeta sur le véhicule un gros sac, puis disparut derrière un baraquement. Le kapo qui nous accompagnait – un Tzigane de Königsberg, nommé Bernhard Klein, sombre brute – dissimula prestement le sac sous des pièces de linge ; pas assez vite pour que nous n’en ayons vu le contenu : des saucissons. Lorsque la voiture passa devant l’entrée de la cave où se trouvait le crématoire, Bernhard Klein prit le sac, descendit les quatre ou cinq marches ; la porte s’ouvrit aussitôt ; deux mains saisirent, de l’intérieur, le paquet qui pouvait peser de 30 à 40 kilos ; en deux enjambées, Klein était déjà revenu près de nous, qui n’avions même pas ralenti et, bien entendu, avions feint de ne rien voir. D’où venaient ces saucissons ? A qui étaient-ils, en fin de compte, destinés ? Mystère de l’« organisation », que nous sentions partout présente, et qui groupait, en plusieurs gangs rivaux, la plupart des prominente du camp. Les magasins généraux de Mauthausen avaient à ravitailler, outre les internés, quelque dix mille hommes de garnison. De très importants stocks de vivres s’y trouvaient entreposés… Pour les « verts », kapos et chefs de block, l’« organisation » était un moyen de se faire un magot en vue d’une éventuelle libération. Tels d’entre eux, m’a-t-on assuré, purent se constituer à l’extérieur du camp, avec la complicité intéressée de certains S. S., une véritable fortune. Les prisonniers politiques, les « rouges », ne participaient point à ces trafics. Au demeurant, ils n’avaient guère accès aux sources de ravitaillement.
    – Devant la disette dont souffrait le « collectif » français, nous décidâmes de pratiquer, nous aussi, un certain genre d’« organisation ». Le principe suivant fut posé : tout vol, s’il ne porte aucun dommage au ravitaillement des internés, mais lèse seulement les S. S., est licite ; encore doit-il être effectué au profit du « collectif ». Aussi bien, n’avions-nous aucune autre issue. Il fallait « organiser » ou périr. Et d’abord, accéder aux kommandos « productif ».
    – Nos amis tchèques, forts de leur position prépondérante au secrétariat général, nous y aidèrent largement. Deux Français, Olivier et Salado furent placés dans l’équipe qui assurait le transport des balayures du camp (Müllabfuhr Kdo) et, de surcroît, celui du pain – la même voiture servant, d’ailleurs, à Tun et à l’autre. Garnier, Herry et moi fûmes affectés, je l’ai dit, au magasin des vêtements. Pierre Daix pour sa connaissance parfaite de l’allemand, reçut le poste de secrétaire adjoint (Hilfschreiber) au block 10. Un peu plus tard, Guivantes, de retour du camp des malades, fut versé au bureau du travail (Arbeitseinalz). Emile Valley, grièvement brûlé au visage lors d’un

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