Les 186 marches
seraient libérés. Cette « idée » était lancée et exploitée par les prisonniers de droit commun et par la propre kommandantur…
– Cependant, dès l’arrivée du convoi d’Angoulême, la conscience générale des Espagnols subit une dure épreuve, ce qui provoqua une non moins grande réaction politique : « Il faut sauver les enfants. » Quelques Camarades, les plus conscients, décident et proposent aux autres Espagnols de faire face à cette nécessité : sauver les jeunes, non seulement au point de vue physique mais aussi au point de vue moral et politique. D’abord, ces quelques camarades et peu à peu presque tous les Espagnols participent à cette aide, à ce travail. Ce fut vraiment la première grande réalisation espagnole de la résistance aux S. S. en 1940 qui jeta les bases et créa les conditions pour d’ultérieurs actes de solidarité et de résistance ; en sauvant les jeunes, elle les garda et les prépara à prendre eux-mêmes, plus tard, une part active dans la résistance dans les organismes de solidarité et l’application d’une politique d’union nationale et, chose non dépréciable, à être les intermédiaires de compréhensions internationales.
– A cet effet, il fut décidé qu’en aucun cas il ne fallait laisser les jeunes seuls, isolés ; inviter même ceux qui n’avaient pas de famille à se coucher, la nuit, entre deux hommes des plus conscients ; pendant le travail, à l’infirmerie, ils devaient avoir toujours à leur côté quelqu’un qui veille sur eux, les empêche de tomber dans les mailles du « protectionnisme » des kapos, chefs de block, etc. Il fut décidé également de les aider au point de vue alimentaire : leur donner les « rabiots », les « gamelles » supplémentaires obtenues pour des services tels que nettoyage, aide au coiffeur, tout en établissant un tour de rôle pour les rations de margarine, etc. ainsi que pour les tranches de pain.
– La seconde grande action unie des Espagnols se situe à la fin de l’hiver 40-41. Quatre Espagnols (si je me souviens bien, l’un d’eux fut Arroyo) furent condamnés à recevoir 25 coups de bâton et à travailler au Baukommando II (Strafkommando) pour sabotage dans le groupe de construction de la route. On leur donna les 25 coups de bâton, en présence de tous ces Espagnols rassemblés sur l’ancienne appelplatz et ceci à titre d’exemple pour tous ceux qui continueraient les sabotages.
– Ce furent les communistes qui insistèrent sur la nécessité de créer une ligne de protection en faveur des punis, obtenant de tous les Espagnols, sans exception, qu’ils donnent chacun, chaque soir, un tout petit morceau de pain (comme l’ongle, disait-on) et de ceux qui mangeaient à midi dans les baraques, une cuillerée de leur gamelle. Chacun obtenait ainsi plusieurs assiettées de nourriture supplémentaire pour chaque puni et plusieurs assiettées de petits morceaux de pain. Cette manifestation par sa constance et son ampleur provoqua l’admiration de tous les prisonniers…
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– Onze septembre 1941. Trois heures du matin. Par le long chemin en pente, quarante et un Espagnols, chargés de maigres bagages, vêtus de défroques hétéroclites – veste de chasse française, pantalon yougoslave, gilet italien, golfs courts et vareuse longue… – montent vers Mauthausen en courbant le dos sous les coups de crosse.
– Quelques heures auparavant, ces hommes étaient prisonniers de guerre au Stalag C-XVIII, à Marek Pongau, dans les Alpes autrichiennes. A la débâcle, ils faisaient partie des milliers d’Espagnols républicains mobilisés dans les camps de réfugiés à la déclaration de la guerre 1939-1945. Ils appartenaient à des unités prestataires composées de travailleurs étrangers, employés aux travaux de fortification et d’entretien au cœur même de la Ligne Maginot. Faits prisonniers par les Allemands avec l’ensemble des unités françaises, ils avaient faussé compagnie à la colonne qui les emmenait vers le camp d’attente et de triage de Strasbourg. Ramassés, un par un, sans avoir réussi à atteindre la frontière suisse, ils avaient été concentrés dans une caserne de Sarre-Union. Plus tard, conduits au camp de triage de Trêves, dans le Palatinat, ils étaient dirigés vers la France, à la queue d’un convoi de tirailleurs algériens. Front Stalag d’Amboise, caserne de cavalerie de Dinan, Rennes, et nous reprenons le chemin de la
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