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Les 186 marches

Titel: Les 186 marches Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Christian Bernadac
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nous semblaient être des Espagnols. A la réflexion, cela nous sembla impossible : on allait probablement nous faire passer la nuit dans un camp avant de nous transférer dans un lieu de travail prévu par la convention de Genève, et certains d’entre nous demeuraient d’une naïveté sans limites. Tout en défilant, nous avancions devant les miradors et leurs sentinelles armées de mitraillettes.
    – En arrivant au camp, nous avons furtivement échangé quelques mots avec une colonne qui nous croisait et qui était effectivement composée d’Espagnols : « Depuis combien de temps êtes-vous là ? » – « Trois jours. » – « Y a-t-il d’autres Espagnols ? » – « Nous sommes les premiers. » Nous n’avons rien pu dire d’autre ; ils étaient obligés d’accélérer l’allure, sous les coups des gardiens.
    – Nous voici à l’intérieur du camp après avoir franchi la porte monumentale et là un nouveau spectacle surprenant nous attendait. Une dizaine d’hommes, déshabillés, courbés sur une sorte de billot et les mains cramponnées à une barre reposant à terre, sont flagellés par un énorme S. S. qui multiplie les coups avec une habileté fantastique. Les prisonniers étaient obligés d’annoncer chaque coup ; après une douzaine, ils s’évanouissaient, mais malheur à eux, la peine était alors doublée et même triplée. Après vingt-cinq coups, les reins devenaient mauve foncé ou noir, après cinquante, noirs et sanglants, après soixante-quinze, la peau et la chair partaient en lambeaux.
    – Des deux côtés de la porte d’entrée, des anneaux étaient enfoncés dans le mur d’où pendaient des chaînes terminées par un collier ; nous nous sommes aperçus, plus tard, que les jours étaient rares où il n’y avait pas d’hommes punis « à la tour » comme on disait, et qui demeuraient enchaînés 24 ou 48 heures, sans boire ni manger.
    – Pendant que nous attendions, des S. S. venaient nous regarder et demandaient. si nous étions Juifs. Nous répondions évidemment que nous étions des Espagnols et nous ignorions encore le sort qui était celui des Juifs au camp. Puis ce fut la douche, le rasage de la tête aux pieds, la désinfection et, vêtus d’une chemise et d’un caleçon, nous avons été envoyés par groupes de cent, à la baraque n° 12. Dans l’après-midi, nous avons reçu des vêtements rayés et le lendemain, nous avons été envoyés à la carrière avec les autres, à monter des pierres pour la construction du mur d’enceinte.
    – Plus personne ne pouvait se faire d’illusions.
    – Une grande flamme mêlée à une épaisse fumée sortait de la cheminée du crématoire et on nous apprit avec les plaisanteries d’usage que c’était par là que nous sortirions du camp. Les premiers jours, nous avons fait demander au commandant du camp si nous étions autorisés, à l’occasion de la mort d’un camarade, à nous recueillir pendant une minute de silence.. Chose bizarre, cela nous fut accordé, mais à une semaine de là, nous avons renoncé ; les morts devenaient trop nombreux.
    ★★
    – Le premier convoi d’Espagnols est dit « convoi d’Angoulême », car il s’agissait de détenus « récupérés » dans cette ville par les troupes d’occupation allemandes. Ce convoi, à son arrivée à la gare de Mauthausen, comprenait des familles entières : les garçons de plus de douze ans furent internés au camp, tandis que les femmes et les enfants plus jeunes étaient renvoyés en Espagne.
    – Les caractéristiques du camp et les perspectives qu’il offrait aux membres des premières expéditions d’Espagnols, étaient par elles-mêmes vraiment terribles. Les méthodes d’extermination physique, la rigueur de l’hiver aux températures inconnues en Espagne, le travail pénible et le traitement bestial qu’ils recevaient de la part de la direction intérieure du camp, presque entièrement aux mains de prisonniers de droit commun, l’ignorance complète de la langue, étaient les facteurs qui déterminaient une mortalité effrayante dans ces premiers convois.
    – La grande majorité des Espagnols n’arrivait pas à comprendre la triste réalité et croyait encore que la décision allemande de les soumettre à ce traitement concentrationnaire bestial était due à ce que l’on croyait qu’ils étaient des combattants de l’armée française ; mais que dès qu’il serait prouvé qu’il n’en était rien, ils

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