Les 186 marches
d’août je terminai l’appareil et je le dis à Woghl. Il me félicita et me redit de faire attention. Il m’a dit que certains « mouchards » travaillant pour les S. S. étaient arrivés au camp. Seuls deux étaient connus, les autres étaient camouflés. Le même mois, onze personnes furent rassemblées et ils les envoyèrent vers une destinée inconnue. Par notre kapo, j’entendis dire qu’ils étaient envoyés à Hartheim et que jamais plus ils ne reviendraient. Je demandai pourquoi, et il me répondit qu’il valait mieux que je ne sache pas ce « pourquoi ». Par prudence, je démontai l’appareil, mettant les pièces un peu partout. Pendant plus de deux semaines, je ne pus rien en faire.
– Au mois de septembre, je finis l’appareil. J’avais beaucoup de peine en pensant que je ne pouvais pas faire passer quelques moments agréables à Woghl. Mon activité se réduisait seulement aux Espagnols. Je leur donnais des nouvelles recueillies seulement pour eux et seulement aux camarades déjà connus. Je vis que les Allemands n’étaient pas au courant de ma liaison, ni de mon activité au camp, et ne me cherchaient pas. Passant à la baraque 11, là nous avons formé un groupe de trois : moi et deux camarades espagnols : Marcelo Rodriguez et Luis Gil Blanco.
– Le camarade Rodriguez travaillait au camp comme horloger. Gil Blanco, surnommé « le Petit », était le domestique du « Lagerältester », moi comme électricien dans l’atelier. Nous avions assez de possibilités pour aider ceux de la carrière particulièrement. Ensuite, le camarade Razola entra dans notre groupe. Il travaillait à la désinfection du camp. Il avait beaucoup de possibilités pour organiser les vêtements, tant pour ceux du camp comme pour les kommandos extérieurs.
– Ensuite, le camarade Razola fut ma liaison avec l’organisation clandestine. Une fois les nouvelles prises, je passais voir les camarades Razola, Rodriguez, Gil Blanco. Ainsi, j’avais cette activité, et je faisais partie du mouvement de résistance dans le camp de la mort de Mauthausen.
★ ★
– C’était le premier dimanche de l’année 1942. Nous nous « prélassions » à l’intérieur des blocks. Dehors, le thermomètre marquait moins dix degrés. Tout à coup le son aigu des sifflets appelant les chefs de block chez le responsable du camp retentit. Quelques instants après, les secrétaires de block se rassemblaient. Un quart d’heure d’inquiétude. Le secrétaire de notre block entre en trombe :
– « Les Espagnols au rassemblement !
– « Garde-à-vous devant le block ! »
– Devant nous une commission d’officiers S. S. L’un d’eux sélectionnait les plus costauds. – « Gauche » – « Droite ». La rangée des soi-disant « moins valides » devait, quelques jours plus tard, partir pour le tombeau de Gusen. Quant à nous, nous devions former un kommando spécial. Le lendemain, après l’appel, on rassemble notre carré de cent… et on nous laisse en formation toute la journée, devant le block. Le secrétaire a simplement vérifié que nous étions tous dotés d’une gamelle de l’armée française et d’un manteau rayé. Enfin il nous annonça :
– « Soyez prêts pour 3 heures du matin. »
– Nous partons. Nous descendons le chemin que nous avons gravi quatre mois auparavant. Soldats, chiens. Cris, aboiements. Un train nous attendait. Destination inconnue. Le jour s’était levé quand le convoi s’arrêta en rase campagne. Une immense plaine s’étalait devant nous. Au loin, une large bâtisse et le clocher d’une église. A notre droite, les mines d’une usine désaffectée se détachaient. Le premier coup de pioche de ce kommando Steyr, qui devait devenir célèbre, allait être donné.
– Nous devons commencer par le déblaiement des mines, par la démolition des murs restés debout et le triage de tout ce qui peut être récupéré. Un tas pour les briques, un tas pour les pierres, un tas pour le fer, les armatures, les planches de bois, etc. A la fin de la journée, un gigantesque mur de 50 mètres de long restait à abattre. Nous ne pouvions partir sans l’avoir mis à bas. Le bulldozer humain se mit en marche sous le martèlement des gourdins. « Dos au mur. » Nous sommes dos au mur. « Tous en place ! » et au coup de sifflet « Han ! » d’un seul élan le kommando entier, poussant de tout son poids, ébranlait puis écroulait le mur dans un
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