Les 186 marches
intellectuel ou homme ayant de la culture. Dès qu’il voyait un prisonnier avec des lunettes, il le prenait comme cible à abattre. Malheur à celui qui les portait à son arrivée au camp !… c’est ainsi que certains de nos compagnons myopes durent renoncer à porter des lunettes s’ils voulaient avoir une petite chance de survivre ne serait-ce que quelques jours…
– Il était craint par les prisonniers, mais cette crainte existait aussi parmi les S. S. Ses ordres devaient être exécutés sans la moindre objection et il prenait des sanctions sévères contre tout S. S. qui n’avait pas obéi à ses désirs. Certains S. S., qui le considéraient comme parvenu, le méprisaient. Sans doute au courant de ce « mépris », il ne ratait pas une occasion pour faire valoir son « courage », sa domination. Ainsi, en 1941, il faisait souvent ses déplacements à moto. Il n’était pas rare de le voir rentrer à l’intérieur du camp avec sa moto lancée à toute allure et faire des dérapages démoniaques ; il visitait aussi les groupes de travail à moto, escaladant les talus de terre et sautant par-dessus les tranchées et trous. Et lorsqu’il arrivait en haut d’un monticule de terre, il arrêtait sa machine pour montrer, avec fierté, son savoir-faire aux autres S. S… Cela le laissait indifférent si, pour escalader la butte, il avait roulé sur les corps de quatre ou six Espagnols…
– Sa prétendue témérité fut bien punie un jour. Au printemps de 1941, il remontait à tombeau ouvert la route venant du village de Mauthausen, lorsque dans un des nombreux virages, sa machine dérapa. Il se retrouva quelques mètres en contrebas de la route. Blessé à plusieurs endroits, il eut le bras cassé, qu’il porta en écharpe pendant un certain temps. C’est ainsi qu’on peut le voir, dans une des photos prises par les S. S., visitant un groupe d’Espagnols travaillant au Baukommando pendant l’été de la même année.
– C’était cela le bourreau Bachmayer, qui empoisonna sa femme et ses enfants avant de se donner la mort en mai 1945…
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– Il existait pour les S. S. une cuisine particulière, tenue par des Tziganes et des droit commun de diverses nationalités. La cuisine des S. S. travaillait pour tous les S. S., excepté les chefs. Tous les membres des S. S. de l’état-major de commandement qui n’avaient pas le grade d’« Unterführer », les hommes de garde qui n’appartenaient pas à l’état-major de commandement, recevaient leur nourriture de cette cuisine où ils devaient aller la chercher. Une autre réglementation existait pour les Unterführer de l’état-major de commandement qui, dans toute la vie du camp, représentaient la « classe dirigeante ». Les chefs mangeaient au « home des Unterführer ». La nourriture venait de la même cuisine et était la même que celle de la carte générale. Toutefois, la préparation et les portions différaient sensiblement. En règle générale, une fois par semaine, on servait un hochepot qui consistait en une purée de pois ou autres légumes. Les autres jours, on servait de la viande, des pommes de terre, des légumes, de la soupe, de la compote ou du pudding. Le soir, on servait soit de la soupe, soit du café ou du thé avec beurre, saucisson ou fromage. On servait du beurre et non de la margarine. La portion de beurre n’était pas bien importante ; en revanche, la portion de saucisson et de fromage était bonne et variait de un huitième à un quart de kilo. Le matin, les chefs recevaient soit une soupe ou du café sucré, du thé, de la marmelade et du miel, en telle quantité qu’ils ne mangeaient pas tout. Les rations de pain journalières étaient importantes. Naturellement, on cuisinait à part pour les officiers du home des Unterführer.
– Les officiers recevaient de l’alcool après le repas. Les Unterführer recevaient des « bons de la cantine » comme dons de Noël ou autre attribution spéciale. Ils pouvaient recevoir de l’alcool. Les livraisons d’alcool n’étaient ni permanentes, ni régulières. Il en était de même du tabac. Au home des chefs, il y avait des provisions d’alcool et de cigarettes. L’Obersturmführer Schulz, chef de la section politique, se faisait donner par le détenu Bagadur, criminel professionnel autrichien occupé à la cantine des détenus, quelques centaines de cigarettes provenant des stocks destinés aux détenus. Il le menaçait de le révoquer
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