Les 4 vies de Steve Jobs

s’entourer est la marque d’un grand nombre de leaders. Il suffit de voir défiler le générique de films de Spielbergou de Cameron pour s’en convaincre : des longs-métrages à la Avatar sont le fruit du travail de centaines ou milliers d’intervenants. Par la force des choses, seul le chef de fil recueille le crédit lié à l’œuvre.
    L’essentiel du succès de Jobsa été lié à trois noms : Steve Wozniak, JohnLasseteret Jonathan Ive. Ces trois créatifs, généralement méconnus du grand public, ont chacun joué un rôle majeur. Wozniak a conçu l’Apple II, l’ordinateur qui à lui seul a déclenché la révolution de l’informatique. John Lasseter est le responsable de l’animation chez Pixar et nous lui devons Toy Story , Le Monde de Nemo et autres œuvres qui ont consacré le dessin animé 3D. Le Britannique Jonathan Ive a conçu le boîtier de l’iPod, de l’iPhone et de la majorité des produits acclamés depuis 1997. Il faudrait ajouter à la liste des dizaines et dizaines d’ingénieurs de talents, qui sont demeurés dans l’ombre, tel Andy Hertzfeldou BillAtkinsondont les contributions ont été majeures pour créer le Macintosh originel.
     
    Le phénomène qui menace bien des premiers de cordée est l’usure, une érosion de la motivation liée à toutes sortes de raisons, à commencer par l’embourgeoisement. Ce phénomène a notamment gagné une société telle que Microsoft alors qu’elle était dotée d’une incroyable énergie au cours des années quatre-vingt. Or Jobssemble avoir le don de continuer d’attiser la flamme parmi ses troupes.
    L’aura du maître d’œuvre n’est pas pour rien dans le dévouement qu’il parvient à obtenir de ses compagnons d’aventure :
    « Quand tu travailles pour Jobs, tu sais que tu travailles pour quelqu’un d’hyper-intelligent, un oracle d’une qualité exceptionnelle et que ce que tu fais va être magnifié par les bonnes idées qu’il peut avoir, que cela va briller d’une façon ou d’une autre… explique Bertrand Guiheneufqui a travaillé à la recherche pour Apple France. Parfois, seuls les spécialistes vont s’en rendre compte, mais ils vont saluer la performance à leur manière en te copiant ! Reste que chez Apple, les gens sont hyper-motivés. Ils bossent comme des forcenés parce qu’ils savent qu’au bout du compte leur création va servir à quelque chose. »
     
    En cette deuxième décennie du millenium, Jobsest le directeur d’entreprise le plus admiré au monde et il bénéficie d’une cote d’affection extraordinaire. Si l’on s’en tient à certains aspects de son caractère, il semblerait avoir ce qu’il faut pour agacer, rebuter, rebrousser les poils. Pourtant, il est chéri comme peu de gens. Existe-t-il un autre patron qui ait un statut comparable à celui d’une rock star auprès de ses aficionados ? Un chef d’entreprise pour lequel certains feront la queue toute une nuit juste pour l’entendre parler ?
    Apple est probablement la seule société dont certains consommateurs iraient jusqu’à acheter les produits dans le seul but de la soutenir et par-là même d’apporter leur soutien à Jobs. Les fans d’Apple sont contents lorsque leur entreprise adorée gagne des parts de marché, et considèrent chaque victoire de leur marque fétiche comme la leur. Quelle société peut se targuer d’attirer à elle autant de fidèles irréductibles ?
    Le charisme de Jobsy est pour quelque chose. Pourtant, ce n’est pas tout. Un facteur « identification » joue à plein, tout comme pour un Harrison Ford ou un Tom Hanks. Bien qu’il soit multimillionnaire, Jobs n’est pas un patron. Il est l’un d’eux. Il parle leur langage, il est vêtu comme l’homme de la rue, il n’apparaît aucunement comme un possédant, un magnat, un haut bourgeois.
    Achever cette combinaison subtile qui fait que l’on est à la fois un personnage hors du commun et adulé comme tel, mais aussi un gars « comme vous et moi » relève de la haute voltige.
    La formule magique ? Il n’y en a pas. Jobsne se force pas du tout. Il est simplement comme ça. Associable mais aussi charmeur, individualiste mais attachant, furieusement exigeant au risque de se montrer dédaigneux tout en pouvant dans le même temps galvaniser ses équipes, insupportablement borné tout en sachant intégrer de la diplomatie dans son approche, avant tout un incorrigible esthète.
     
    Il existe certes une face cachée de la