Les 4 vies de Steve Jobs

ordinateur personnel ? Je répondrais à cette question en usant d’une analogie, celle de la bicyclette et du condor. Il y a quelques années, j’ai lu un article, ce devait être dans le Scientific American , sur la locomotion des espèces de la planète, l’homme inclus. L’article s’était donné pour but de déterminer les espèces les plus rapides pour aller d’un point à un autre avec le minimum de dépense d’énergie. Le condor est sorti vainqueur de la confrontation. La prestation de l’homme n’était pas convaincante, il se trouvait loin derrière le condor, à la fin du premier tiers de la liste. Quelqu’un a alors eu l’idée de tester son efficacité sur bicyclette. L’homme s’est alors révélé deux fois plus rapide que le condor. Cet exemple illustre l’efficacité de l’homme en tant que concepteur d’outils. Lorsqu’il a créé la bicyclette, il a développé un outil qui amplifiait ses capacités de base. C’est pourquoi je me plais à comparer le micro-ordinateur à la bicyclette. »
    Lorsqu’il laisse sa plume aller au gré de son imagination, Jobsmontre des qualités indéniables. Pourtant, ses aptitudes au management apparaissent moins brillantes. Originellement prévue pour juillet, la conception de l’ordinateur Apple III essuie retard sur retard. Des atermoiements en partie dus aux lubies de Steve Jobs qui change parfois d’idée d’une semaine à l’autre, obligeant les ingénieurs à jongler avec ses desideratas.
    Mike Scott, le président d’Apple, se montre de plus en plus agacé par les frasques du cofondateur d’Apple, et pour cause. Apple a furieusement besoin de sortir l’Apple III en temps et en heure car, en cette année 1980, un événement retient toute l’attention de la société à la pomme : l’entrée en Bourse prévue pour la fin de l’année. Cette introduction est prise en main par les firmes Morgan Stanley et Hambrecht & Quist.
    Lorsqu’il a décidé de financer Apple, Markkulaa séduit plusieurs investisseurs en capital-risque tels qu’Arthur Rock, qui a soutenu Intel à ses débuts, ou Hank Smith, qui dirige un fonds appartenant à la famille Rockefeller. Don Valentinedu fonds Sequoia Capital s’est lui-même joint à l’affaire, l’odeur de l’argent ayant transcendé l’aversion initiale de cet investisseur pour les deux hippies qu’étaient Jobset Wozniak. À présent, tous ont l’entrée en Bourse en ligne de mire.
     
    L’Apple III est commercialisé en octobre 1980, deux mois avant l’entrée d’Apple sur le Second Marché. Pourtant, le nouvel ordinateur est perçu comme une déception. Les premiers acheteurs ne tardent pas à faire remonter leurs plaintes. Steve Jobsa voulu que l’Apple III n’embarque pas de ventilateur pour qu’il fonctionne dans un parfait silence. Dans la pratique, il en résulte une surchauffe responsable de pannes.
    À cette époque, une menace pèse sur les divers micro-ordina teurs, accusés de diffuser un volume excessif de radiations. Afin d’éviter tout souci légal, il a donc été décidé d’insérer la carte mère de l’Apple III dans un boîtier en aluminium éliminant tout risque d’interférence. Le problème, c’est qu’un trop grand nombre de circuits ont été logés sur la carte mère et qu’il ne restait plus assez de place pour y caser la mémoire de l’Apple III. Du coup, les ingénieurs ont choisi de placer la mémoire à part, sur une carte additionnelle. Or, en l’absence de ventilateur, la mémoire dégage une chaleur torride, ce qui provoque des plantages de l’Apple III. Il faudra de nombreuses semaines aux ingénieurs pour repérer la source du problème et le résoudre.
    Toutefois le mal est fait : la presse spécialisée a vertement critiqué le nouvel ordinateur et l’image de l’Apple III paraît définitivement ternie, d’autant que le plus redoutable des concurrents, le PC d’IBM, pointe à l’horizon…
     
    Le 12 décembre 1980, Apple opère en fanfare son entrée en Bourse. Proposée à 22 dollars lors de l’ouverture, l’action clôture à 29 dollars. Du jour au lendemain, Apple est capitalisé à 1,7 milliard de dollars. Depuis l’introduction du titre Ford en 1956, on n’a jamais vu ça.
    Le soir du 12 décembre, Steve Jobsest crédité d’une fortune estimée à plus de 165 millions de dollars et Wozniakde 88 millions. L’heure est à l’euphorie pour la compagnie de Cupertino citée en modèle par les