Les 4 vies de Steve Jobs

l’Apple II se fait sentir rapidement. Le coup de pouce est donné par un investisseur, Ben Rosen, dans une lettre d’information qu’il publie à l’intention de ses confrères. Rosen explique les bénéfices que VisiCalc peut apporter aux décisionnaires et son article a un effet immédiat : plusieurs grandes entreprises commandent des dizaines de VisiCalc .
    À lui seul, VisiCalc fait vendre un bon cinquième des Apple II ! Or, durant plus d’une année, il n’est disponible que sur cet ordinateur : ses deux concurrents principaux, le Commodore PET et le TRS-80 de Tandy n’ont pas assez de mémoire pour faire tourner VisiCalc  !
     
    Les années soixante-dix ont été porteuses de courants libérateurs qui n’ont pas épargné la frigide informatique. Un grand nombre d’innovations iconoclastes éclosent dans les laboratoires d’entreprises respectables. L’une des plus en pointe n’est autre que Xerox, qui bénéficie d’une situation de prédominance dans son secteur. Or, le géant de la photocopie est animé par un leitmotiv : le bureau du futur sera « sans papier » ; les documents apparaîtront sur des écrans d’ordinateur.
    Afin de préparer l’avènement de ce nouveau modèle, Xerox a fondé un centre de recherche à Palo Alto. Il est surnommé le Parc, l’acronyme de « Palo Alto Research Center ».
    Le Parc ne ressemble en rien à un centre d’informatique traditionnel. Qu’ils s’appellent Alan Kay, Lawrence Tessler, Douglas Engelbartou Charles Simyoni, les pensionnaires de ce happening permanent s’apparentent à des émules de Monty Python : ahuris, prêts à tout, débridés. Au Parc, on vénère le fun, la couleur, les dessins stylisés… Les écrans ont comme un air de fête, comme si des bulles de champagne sortaient des boîtiers. L’ambiance est proche d’un Woodstock, avec une décontraction vestimentaire et capillaire qui n’a d’égale que le geyser permanent d’idées. HAL, le monstre démoniaque du film 2001, l’Odyssée de l’Espace , de Stanley Kubrick, est le modèle à abattre. L’ordinateur inhumain se voit désacralisé et le ludique acquiert droit de cité.
    Dès 1972, les chercheurs du Parc ont inventé une norme de présentation pour les ordinateurs appelée « interface graphique » : fenêtres, icônes, dessins… Le tout est manipulé à la souris, un petit objet blanc imaginé par un diablotin à la tignasse imposante, Doug Engelbart. Plutôt que de taper des commandes fastidieuses, l’utilisateur choisit simplement une option dans un menu.
    Le Parc a la réputation d’être l’Acropole de la recherche informatique, pourtant, Xerox néglige d’exploiter les découvertes de ses laboratoires. En 1977, un essai de commercialisation des trouvailles du Parc a été timidement tenté. Xerox a sorti un ordinateur à interface graphique, l’Alto. La Maison Blanche, le Sénat, le Congrès, et le National Bureau of Standards ont figuré parmi les rares clients de cette machine de luxe au prix rédhibitoire : 20 000 dollars…
     
    Au début de l’année 1979, Apple compte près de 150 employés, parmi lesquels figurent plusieurs ingénieurs de haut niveau, tels que Jef Raskinet BillAtkinson.
    Raskina rejoint Apple en janvier 1978 après avoir rencontré Jobset Wozniakà la West Coast Computer Faire . Il était alors professeur d’informatique, d’art et de sciences à l’Université de San Diego. Bill Atkinsonétait l’un de ses étudiants et Raskin a insisté pour qu’il soit à son tour embauché chez Apple.
    En cette année 1979, Jef Raskinet Bill Atkinsonassènent régulièrement la même litanie à Steve Jobs : il faut qu’il prenne le temps de visiter le Parc. À les entendre, les ingénieurs de Xerox ont développé des concepts révolutionnaires dont Apple aurait tout intérêt à s’inspirer.
    Il faut attendre septembre 1979 pour que Steve Jobsse décide à visiter le Parc, accompagné d’Atkinson. S’il a cédé, c’était en partie pour échapper à un autre rendez-vous.
    Dans le repaire des chercheurs de Palo Alto, Steve Jobsest plus d’une fois éberlué. Il découvre l’impression laser avec des caractères dignes de l’imprimerie, le partage de données à haute vitesse en réseau… Le moment clé se produit toutefois lorsque Larry Tessler, un jovial chercheur de 34 ans, dévoile une version avancée de l’ordinateur Alto. Steve Jobs retient son souffle : il n’a jamais rien vu de tel ! L’écran