Les 4 vies de Steve Jobs

analystes économiques. Au passage, quarante employés d’Apple deviennent millionnaires.
    Pour célébrer l’offre publique initiale d’Apple, une fête est organisée au domicile de David Rockefeller. Les ingénieurs de la société de Cupertino y côtoient le gratin de la banque et de la finance. Rockefeller se plaindra le lendemain des frasques des gens d’Apple : les toilettes de sa maison ont été recouvertes de stickers à l’effigie d’Apple !
    L’entrée en Bourse n’a pas que des effets positifs au sein d’Apple : des rancœurs sourdent au sein de la société de la part de ceux qui estiment n’avoir pas eu leur part du gâteau. Parmi ceux qui se jugent lésés figure Daniel Kottke. Étant donné son poste de technicien, aucune action ne lui a été allouée. Or, son patron, Rod Holt, qui s’affirme toujours haut et fort comme socialiste, a touché 60 millions de dollars suite à l’entrée en Bourse !
    « Alors que j’étais son ami, Steve Jobsne semblait pas se soucier que je puisse bénéficier de cette manne, raconte Kottke, et cela m’a beaucoup heurté. J’ai essayé durant plusieurs mois avant l’entrée en Bourse de lui en parler, je lui ai demandé ce qu’il fallait que je fasse pour obtenir des actions. À cette époque, il n’y avait pas vraiment de direction du personnel chez Apple. Rod Holta donc plaidé ma cause auprès de Steve Jobs, mais il a rejeté sa demande. Ce fut pénible pour moi qui travaillais dur chaque jour. Deux mois avant l’entrée en Bourse, après avoir menacé de démissionner, j’ai finalement obtenu quelques maigres actions de la part d’Apple. »
    Avec un chiffre d’affaires de plus de 300 millions de dollars en 1980, Apple devient la société qui a connu le développement le plus rapide de l’histoire industrielle américaine : + 700 % en trois ans !
    Jobs, qui est le plus jeune millionnaire américain, apparaît en couverture des plus grands magazines.
    Décrit de toute part comme le jeune prodige qui a démarré Apple, il bénéficie d’une notoriété extraordinaire, comparable à celle d’un Harrison Ford ou d’un Paul McCartney. Son ego en sort renforcé.
     
    Pourtant, au sein même d’Apple, la cote de Steve Jobsn’est pas au beau fixe. Apple se prépare à rappeler 14 000 Apple III pour les échanger contre des neufs. Au vu d’un tel fiasco, il apparaît de plus en plus clairement qu’il n’est pas taillé pour diriger une équipe d’ingénieurs.
    « Un grand nombre de gens chez Apple avaient peur de Jobsà cause de ses crises de colère inattendues et sa propension à dire aux gens ce qu’il pensait, et qui était la plupart du temps négatif 28  », a témoigné l’un des ingénieurs maison, Andy Hertzfeld.
    JohnCouch, épaulé par d’autres ingénieurs du projet Lisa, vient plaider sa cause auprès de Mike Scott : il est urgent de virer Jobsde l’équipe du Lisa si l’on veut sauver cet ordinateur.

    John Couch, directeur du projet Lisa, en 1983. © Roger Ressmeyer/Corbis
    « Mike, nous essayons tant bien que mal de faire aboutir Lisa. Est-ce qu’il serait possible d’éloigner Steve Jobs, afin que nous puissions juste faire avancer les choses ? », argue Couch.
    Couchtrouve une oreille attentive auprès du PDG d’Apple. Passablement remonté contre Jobs, Mike Scottne voit aucune objection à écarter l’agitateur du projet Lisa !
     
    Furieux, Jobstraîne dans les bureaux d’Apple, laissant éclater son dépit : n’est-il pas le cofondateur de la société ? Animé par un désir de revanche, il déclare à qui veut l’entendre que le conseil d’administration peut aller se faire voir. Puisqu’ils n’ont pas voulu qu’il prenne la tête du département Lisa, il entend démarrer son propre projet d’ordinateur révolutionnaire.
    Se sentant peu à l’aise dans les bâtiments d’Apple, il se réfugie dans l’un des bureaux externes, boulevard Stevens Creek, à quelques pâtés de maisons du campus Apple. C’est là que se trouvait le premier bureau de l’entreprise, en 1976, et c’est aussi là qu’a démarré la première équipe de conception du Lisa.
    Dans les bureaux du boulevard Stevens Creek, Jobsdécouvre alors le projet de l’équipe de Jef Raskin, le fameux Macintosh…

Chapitre 7
    Les pirates du Macintosh
    E ntre Steve Jobset Jef Raskin, le courant n’est jamais vraiment passé.
    Illuminé, incontrôlable, démentiel… Jobslui donne parfois l’impression d’être