Les 4 vies de Steve Jobs

sous le coup d’un mauvais trip de LSD. Lorsqu’il est en proie à ses fantasmes, toute discussion devient vaine.
    Dans l’immeuble de Stevens Creek, Raskinest à l’abri de ce forban. Aidé de trois ingénieurs qu’il a réunis sous sa coupe, il planche sur un ordinateur à même de faciliter le rapport de l’utilisateur à la machine.
    « Je souhaitais développer un ordinateur qui serait d’un usage aisé, qui mélangerait les textes et les graphiques et pourrait être vendu 1 000 dollars », a raconté Jef Raskin.
    Utopie ? Il est trop tôt pour l’affirmer. Les inventions telles que le Walkman ont démarré par une idée. La technologie a suivi…
    « Steve Jobsm’a dit que c’était une idée insensée, que cela ne se vendrait jamais et qu’Apple ne voudrait jamais faire quoi que ce soit de ce type. Il a tenté de descendre le projet… »
    De fait, le projet Macintosh a failli être annulé plusieurs fois. À l’automne 1980, Raskina dû se battre pour qu’il soit maintenu. C’est en octobre que son équipe a été placée dans un petit bâtiment du boulevard Stevens Creek.
    Il fait bon vivre autour de Raskin. Affable « nounours », il a recréé l’atmosphère d’un mini-campus estudiantin, et la recherche pure et dure baigne dans un esprit de liesse et de camaraderie. Des guitares, des percussions et autres instruments cohabitent avec les ordinateurs et, à tout moment, les ingénieurs peuvent lâcher leur clavier pour se lancer dans une reprise de Honky Tonk Women des Stones. Et pour évacuer le stress de la conception, rien de tel qu’une bataille rangée : des balles de mousse servent de projectiles. Certains sont allés jusqu’à transformer leur bureau en camp retranché, protégé des jets par une barricade de cartons. Avions et automobiles télécommandés complètent le décor.
    Tout va pour le mieux et qu’on les laisse en paix. Le Macintosh en surprendra plus d’un… C’est son bébé à lui.
     
    Pour Raskin, subir la présence de Steve Jobsest ce qui pouvait lui arriver de pire. C’est pourtant ce qui se produit lorsque l’intéressé, à peine débarqué du projet Lisa, vient jeter un œil sur l’activité Macintosh. Raskin l’enverrait volontiers valser dans les escaliers. Pourquoi vient-il déranger leur cocon plein de quiétude ? Quelque chose en lui rejette profondément Jobs…
    En ce mois de décembre 1980, Burrell Smith, un ingénieur cool avec une coupe de cheveux à la du Guesclin, a conçu une carte mère pour le Macintosh autour du processeur 68000 de Motorola. Jobsmanifeste son admiration pour le design de Burrell. Tout compte fait, le Macintosh n’est pas si mal. Et s’il greffait sur cette machine les idées qu’il a développées suite à sa visite du Parc ?
    Au désespoir de Raskin, Jobsjette son dévolu sur le Macintosh. Sans attendre, il réoriente la recherche dans le sens d’un ordinateur équipé d’une interface graphique, tout comme l’Alto de Xerox.
     
    Ayant retrouvé une quête d’un « anneau pour les gouverner tous », Jobsdevient à nouveau intenable. Il arpente les bureaux d’Apple en vue de recruter la crème de l’équipe qui a conçu le premier Apple II. Comme il se doit, Steve Wozniakest de la partie. L’équipe du Macintosh, qui se contentait de quatre personnes, grossit de jour et jour et atteint une vingtaine de personnes, dont Dan Kottkeet BillAtkinson.
    Dépassé par les événements, Jef Raskinmultiplie ses plaintes auprès de l’usurpateur. En tant qu’initiateur du projet Macintosh, il souhaiterait tout de même avoir son mot à dire. Agacé, Steve Jobslui fait alors savoir que la direction a changé et qu’il a redéfini les rôles :
    « Jobsa pris le pouvoir. Il est simplement arrivé et m’a dit : “Je prends le contrôle du développement du Macintosh. Tu peux t’occuper du logiciel et des publications” », a raconté Raskin.
    Qu’à cela ne tienne, Mike Scottet Markkulaestiment qu’il s’agit d’un projet novateur et que cela vaut le coup de le soutenir. La société gagne beaucoup d’argent et peut se permettre de financer des projets de recherche ambitieux. À tout prendre, le Macintosh occupe Jobset, pendant ce temps-là, il ne vient plus les importuner !…
    Délogé malgré lui, Raskinconservera indéfiniment le sentiment de s’être fait voler son projet.
     
    Le local de Stevens Creek étant devenu trop exigu, l’équipe du Macintosh déménage au début de l’année