Les 4 vies de Steve Jobs

Gatess’avoue agacé par la personnalité de Jobsqui, selon lui, « se gargarise de phrases comme quoi le Mac va conquérir le monde ! ».
     
    Un jour de mars 1982, Steve Jobs, Andy Hertzfeldet Burrell Smithreçoivent en entretien une recrue potentielle, qui leur a été recommandée par une personne d’Apple. L’homme qui se présente en costume cravate semble guindé et crispé. Comme il peine à répondre aux questions, Steve Jobs se lance soudain dans une incroyable agression verbale 37  :
    « À quel âge avez-vous perdu votre virginité ?
    – Qu’avez-vous dit ?
    – Est-ce que vous êtes vierge ? »
    Hertzfeldet Smithéclatent de rire tandis que le candidat, troublé, ne sait quoi répondre.
    « Combien de fois avez-vous pris du LSD ? », réattaque Jobs.
    Pour venir en aide à l’infortuné candidat, Hertzfeldlui pose une question technique. Il reçoit alors une longue réponse. Steve s’impatiente et marmonne :
    « Glou glou, glou glou, glou glou… »
    À nouveau, Hertzfeldet Smithéclatent de rire, rejoints par Jobs. Le postulant se lève prestement et indique qu’il n’est pas la personne adéquate pour le travail recherché.
    Steve Jobsconclut alors sèchement : « Fin de l’interview ! »
     
    Les « pirates » qui développent le Macintosh ont fort à faire pour tenter de contrer certaines lubies de Jobs. L’une de ses idées bizarres concerne la présence de connecteurs d’extension dans le Macintosh. Ces connecteurs, présents sur les PC, permettent aux utilisateurs d’augmenter les capacités de l’ordinateur. Wozniaka toujours été un grand partisan de la chose : l’Apple II a été doté de sept emplacements pouvant recevoir des cartes d’extension.
    Jef Raskin, lorsqu’il a démarré le projet Macintosh, en a décidé autrement. Il estime que la présence d’extensions rend les ordinateurs trop complexes. Étrangement, c’est l’un des rares points sur lesquels Jobsse montre d’accord avec Raskin. Pour le Macintosh, il prend une décision qui, avec le recul, paraîtra complètement infondée : cet ordinateur sera dépourvu d’emplacements d’extension. Et pour éviter toute tentation, le Mac sera logé dans un boîtier scellé, empêchant son ouverture par l’utilisateur.
    Burrell Smith, qui est en charge de la conception du matériel, s’oppose tant bien que mal à cette idée 38 . Les composants électroniques évoluent très vite, le Mac pourrait bien être perçu comme dépassé techniquement au moment de sa sortie ! Autant prévoir la possibilité d’en étendre les capacités. Il suggère de prévoir au moins un emplacement d’extension. Il reçoit un refus catégorique.
    Inquiet, Burrell décide de contourner habilement la chose : avec son collègue Brian Howard, il conçoit une extension qu’il nomme « port de diagnostic », prétendant que cet emplacement va aider à diagnostiquer d’éventuelles erreurs de fabrication. Le subterfuge dure quelques semaines.
    Un jour, pourtant, Rod Holt, qui assiste Jobsà la création du Mac, réalise que des sourires en coin se dessinent chaque fois que le « port de diagnostic » est évoqué. Il saborde alors cette extension…
     
    De son côté, Jef Raskinn’a pas fini d’avaler des couleuvres. Un an plus tôt, Jobsa pris le contrôle de la création du Mac et a signifié à Raskin qu’il conservait la maîtrise du développement et des publications. En mai 1982, il vient voir à nouveau Raskin pour lui annoncer une nouvelle réduction de sa tutelle :
    « Écoute, je prends également le contrôle du logiciel. Tu peux conserver les publications.
    – Tu peux prendre également les publications ! », rétorque Raskinhors de lui.
    Dans la foulée, il donne sa démission 39 .
    Le départ de Raskinest pourtant mal vécu par Mike Markkula. Assez vite, Raskin se voit proposer de reconsidérer sa position :
    « Tu ne peux pas quitter Apple. Donne-nous un mois, nous allons te faire une offre que tu ne pourras pas refuser. »
    Raskinpatiente durant un mois mais finit par refuser l’offre des pontes d’Apple. Sa rancœur envers Jobsdemeurera vive au fil des années.
    « J’ai été très amusé par l’article de Newsweek où Jobsdisait : “J’ai encore quelques bonnes idées de conception en moi”, va déclarer Raskinen 1986 40 . Jobs n’a jamais conçu quoi que ce soit. Il n’a pas conçu un seul produit.Woz a conçu l’Apple II. Ken Rothmulleret d’autres ont conçu le