Les 4 vies de Steve Jobs
la plage. Dans l’espoir de se changer les idées, il prend l’avion pour Paris. Il y dîne avec Jean Calmon, le nouveau dirigeant de la filiale française. Au cours du repas, ce dernier a la surprise de voir Jobs s’effondrer en larmes, se plaignant qu’il n’a que 30 ans et que sa carrière semble déjà achevée. Jobs se rend ensuite en Italie. À fleur de peau, le génie torturé paraît inconsolable : le sort de la société qu’il a fondée lui a échappé. Fin juin, il se rend en Suède puis gagne l’Union soviétique.
Le deuxième trimestre d’Apple s’est achevé par un déficit de 17,2 millions de dollars, le premier de son histoire. Prenant acte de la médiocrité de ces résultats, JohnSculleyprocède au licenciement de 1 500 employés, rien de moins. Des mesures draconiennes sont par ailleurs adoptées en vue de restreindre les dépenses. Le budget publicitaire est réduit à moins de 100 millions de dollars, un niveau très inférieur à celui de l’année précédente. L’usine de fabrication est arrêtée pendant une semaine afin de réduire les stocks. La production de la gamme Lisa est définitivement stoppée. Bill Gates, très pessimiste sur l’avenir d’Apple, conseille à Sculley de vendre la technologie du Macintosh à d’autres constructeurs !
À son retour chez Apple à la mi-juillet, Jobsest prié de déménager dans un bureau d’un immeuble situé loin des bâtiments de l’entreprise.
« J’ai emménagé dans cet immeuble et j’ai voulu m’assurer que tous les responsables de l’entreprise avaient mon numéro de téléphone, a raconté Jobs 59 . Je savais que JohnSculleyl’avait et j’ai appelé personnellement les autres pour m’en assurer. Je leur ai dit que je voulais me rendre utile d’une façon ou d’une autre, et qu’ils aient la bonté de m’appeler si je pouvais leur venir en aide sur quoi que ce soit.
Ils ont tous eu quelques mots gentils, mais aucun d’eux ne m’a jamais appelé. J’allais donc au travail tous les jours. J’étais au bureau. J’avais quelques coups de téléphone à donner, un peu de courrier à examiner. Pourtant, la plupart des rapports destinés à la direction n’aboutissaient plus jusqu’à ma table. Certaines personnes ont pu voir ma voiture sur le parking et sont montées pour me plaindre. Je déprimais de plus en plus. Je restais deux ou trois ou quatre heures puis je rentrais à la maison.
J’ai fait cela plusieurs fois et j’ai fini par me dire que ce n’était pas bon pour ma santé mentale. J’ai donc arrêté d’aller chez Apple et personne n’a vraiment regretté mon absence. »
Le coup final est porté durant l’été par JohnSculley. Durant la réunion des actionnaires, il martèle :
« Il n’y a aucun rôle pour Steve Jobsdans les activités d’Apple, ni maintenant ni dans le futur. »
La nouvelle laisse Jobsen état de choc :
« Il vous est sans doute arrivé d’être frappé à l’estomac et d’avoir le souffle coupé, de ne plus pouvoir respirer. Plus vous essayez de respirer et moins vous y parvenez. Et vous savez que la seule chose que vous puissiez faire est de vous relaxer, afin de pouvoir respirer à nouveau », a relaté Jobs 60 .
Steve Jobsévoquera plus tard cet épisode tragique de son existence lors d’une allocution aux étudiants de Stanford :
« C’est ainsi qu’à 30 ans je me suis retrouvé sur le pavé.
Viré avec pertes et fracas.
Ma raison d’être n’existait plus. J’étais en miettes.
Je restai plusieurs mois sans savoir quoi faire. J’avais l’impression d’avoir trahi la génération qui m’avait précédé – d’avoir laissé tomber le témoin au moment où on me le passait.
C’était un échec public, et je songeais même à fuir la Silicon Valley.
Et puis j’ai peu à peu compris une chose – j’aimais toujours ce que je faisais. Ce qui m’était arrivé chez Apple n’y changeait rien.
J’avais été éconduit mais j’étais toujours amoureux.
J’ai alors décidé de repartir de zéro… »
Troisième vie
L’Odyssée
Chapitre 10
NeXT
V ers la mi-août 1985, Steve Jobsdéjeune avec une connaissance de l’Université de Stanford, Paul Berg, un prix Nobel de biologie moléculaire. Ils se sont rencontrés lors d’un dîner organisé au printemps par le président de la République française, François Mitterrand, alors en visite en Californie.
Paul Berglui parle des longs essais menés de manière
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