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Les amants de Brignais

Les amants de Brignais

Titel: Les amants de Brignais Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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torches illuminaient les rives du Garon. Les routiers s’étaient pressés autour d’un carré de terrain limité par quatre cordes. Cette surface caillouteuse comptait cinq toises de côté. On avait tiré à la courte paille l’attribution de l’emplacement le plus favorable à l’un des combattants : l’espace sis dans une brève montée ; Héliot se l’était vu octroyer. Dans chacun des angles du haut se tenaient Bagerant et Garcie du Châtel, Jean Aymery et Thillebort. Tiercelet et Oriabel, Jean Doublet et dame Mathilde se partageaient les deux autres. Angilbert le Brugeois arbitrerait la rencontre.
    –  Es-tu prêt, chevalier ? demanda Bagerant
    –  Oui !
    Tristan abaissa la ventaille de son bassinet.
    Tout bien considéré, les conditions de ce combat l’avantageaient. En trois mois de geôle, il avait acquis une vue de bête nocturne. Il ne s’en était pas désaccoutumé. Héliot, dans les recoins où sa vision faiblirait, trébucherait sur les cailloux et les gibbosités du sol, de sorte que ses frappements deviendraient malhabiles.
    « Je m’en vais l’éclairer à grands coups de tranchoir ! »
    Mais que cette hache était lourde avant même qu’il l’eût maniée !
    Héliot rabattit sa visière et saisit son arme à deux mains, l’une près de la douille qui la fixait au manche, l’autre à la moitié de celui-ci.
    – Le vois-tu bien, Tristan, derrière ta moraille (286) avant qu’il ne te tue ?
    Mille cris, rires et huées accompagnèrent cette question de Bagerant.
    « Il me prend pour un enfançon !… Que croit-il ? Que je ne puis, en raison de mon caractère, m’élever au niveau de méchanceté d’Héliot ? »
    S’il parvenait à refroider (287) ce malfaisant, tous les hommes rassemblés autour d’eux pour assister à sa défaite lui refuseraient la moindre admiration. Qu’importait ! La plupart prendraient acte de sa violence et de son habileté. Les autres, piteusement, et pour le dénigrer, prétendraient que sa victoire était le fait d’une injuste bonne chance sur un homme aduré aux armes, mais qui avait glissé, trébuché…
    Il était là, Héliot, tel un fantôme de fer. Rouge déjà du sang fumeux des torches et des candélabres. Il fournit le premier coup : de biais, accompagné d’un ahan qui traversa les trous du nasal et du buccal du bassinet et fut entendu de tous.
    Le fer de hache ouvrit le sol à un pas de Tristan. Des cailloux et des étincelles jaillirent.
    « Un coup pour rien… Je n’en donne aucun… Je recule. Plus il m’en portera, plus je me garderai d’y répliquer… Plus je conserverai mes forces… Ces hommes-là n’ont pas de tête… Façon de penser car toi, Héliot, si je peux et si Dieu m’aide, tu perdras la tienne ! »
    Il reculait. Des sueurs roulaient dans son dos, perlaient à son front. Sa respiration restait bonne. Bientôt, lors d’une grande dilatation de hardiesse et de hargne, il contraindrait Héliot à des parades et reculades précipitées. Pour le moment, sans feindre la peur, il se cantonnait dans l’astuce. Peu importait que le fait d’avoir éludé un coup eût à la fois mécontenté et réjoui tous ces loups à tête d’homme dont, à travers les parois du bassinet, il croyait sentir l’immense halenée. Son souffle demeurait ce qu’il était avant le commencement du combat, son cœur battait sans agitation. Le sol demeurait ferme sous ses semelles.
    Un nouveau frappement le rejeta de côté. La hache d’Héliot s’en alla s’ébrécher sur un petit rocher qui en fit rebondir le fer. Il y eut une brève luisance. Le sol reprit sa couleur brune, tavelée de clartés roussâtres aussi changeantes que les mouvements des hommes autour de l’aire dont Angilbert de Bruges occupait le centre.
    Encore un coup, une lueur, des étincelles. Tristan crut entendre Héliot cracher sa fureur et sa déconvenue.
    – Couard ! hurla Bagerant.
    À qui s’adressait-il ? Tristan vit les mains de son adversaire se déporter sur le manche de son arme, de façon à en allonger la portée. Tant mieux : plus il tiendrait la hampe vers le bas, plus le fer lui paraîtrait pesant.
    –  Clack !
    Cette fois, c’était lui, Sang-Bouillant, qui avait frappé. L’acier qu’il poignait fermement était parti à la rencontre de celui de son adversaire pour le désarmer. Percussion vaine ; cependant, la peur, cette vermine affreuse, avait dû s’enfoncer dans le cœur d’Héliot aussi sûrement qu’un

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