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Les amants de Brignais

Les amants de Brignais

Titel: Les amants de Brignais Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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l’Anglais, dominait la raison.
    « Prends ça !… Pourquoi ?… Pourquoi ne l’ai-je pas brisé ? »
    Héliot avait reculé. Il reculait encore. Silence autour d’eux. Pas tout à fait : un grognement de bêtes qui sentent une proie agile, hargneuse et vigoureuse. Et soudain ce cri de Bagerant :
    –  Sang-Bouillant, qu’as-tu fait de ton apperteté (289)  ?
    « Agis vélocement ! Il ne tient plus qu’un hachereau, une herminette ! »
    Comme cette hache pesait lourd et comme il avait mal à l’épaule !
    La douleur s’épaississait. Son corps se regimbait contre sa volonté.
    Et c’était Héliot qui lui portait une attaque !
    « Non, Goddon ! Non : tu ne m’atteindras plus ! »
    Soudain, il entendit un rire.
    « Thillebort !… Il m’a condamné à l’avance ! »
    Le souvenir de son œil féroce avant le commencement du mortel face-à-face troua la mémoire de Tristan, précis, intolérable, et fustigea son énergie. Unissant, dans de vastes mouvements fauchants, sa fortitude et sa vigueur, il se rua sur Héliot à pleins bras, plein corps, à pleine haine.
    Les doloires volèrent simultanément, comme si leurs deux demi-lunes d’acier se rejoignaient pour ne former qu’un seul astre.
    Une douleur terrible éclata sur le sommet de l’épaulière de Tristan.
    « Et moi ?… Moi ! »
    Il avait réussi !
    Le bras gauche de son ennemi s’était détaché de son corps, sans toutefois tomber car retenu par des nerfs et quelques mailles intactes.
    Ils hurlèrent tous deux de souffrance et d’effroi.
    « M’a-t-il brisé l’épaule ? »
    La foule vociférait. Déception pour les uns, admiration pour les autres… Ignorer ce qu’en pensaient les chefs. Il était debout, lui, Castelreng, malgré cette taillade écrasante.
    Chancelant mais debout !
    Il devait poursuivre, quelque écœuré qu’il fut de sa besogne.
    Héliot, hébété, restait droit, immobile, haletant et geignant sous son bassinet.
    « À deux mains, Tristan, ta doloire !… Marche ! »
    La douleur affluait sur son arrière-bras. Ne pas s’en soucier. Son regard se troublait. Il fronça les sourcils. Héliot ! Héliot debout, sa hache immaculée solidement assujettie à son poing dextre.
    « Je l’ai eu ! Il pisse le sang juste au-dessous du coude… Il peut, il pourrait vivre ! Il me faut le rapetisser ! Attrempe-le 88  ! »
    Il abattit son arme au moment où Héliot lâchait la sienne. Un mouvement tournant, des deux mains, à la hauteur de cette tête de fer sous laquelle il imaginait un visage effrayé.
    Brisant la jointure du gorgerin, l’acier atteignit le cou. Le hurlement d’Héliot fut tranché, réduit à un gargouillement, cependant que le sang sourdait des trous de la ventaille et ruisselait sur la poitrine étincelante.
    « Il choit !… Mort ! Mort ! Mort ! »
    Tristan crut glisser. Sous ses semelles, le sol grenu prenait la consistance du feutre. Oh ! Comme il avait mal, maintenant… Des corbeaux semblaient lui déchirer l’épaule, se repaître de sa chair, la déchiqueter.
    « Je l’ai vaincu !… Vais-je mourir aussi ?… Je saigne fort !… Oriabel ! Cette arme qui m’échappe et que ramasse… Qui ?… Ne va-t-on pas ouvrir ma ventaille ?… Seul… Qui va se venger sur moi de la perte d’Héliot ?… Une ombre… Je tombe… Je tombe… »
    –  Holà !
    – Tristan !
    Tiercelet, Oriabel… On lui ôtait son bassinet : Tiercelet. On le baisait sur la tempe : Oriabel. On le soutenait : Jean Doublet.
    J’ai mal…
    – Tu l’as vaincu bellement !
    – Mon bras… Je veux dire : mon épaule ?
    – Nous te soignerons, mon bien-aimé.
    Oriabel dans son plein emploi d’épouse. Autour, des hurlements de crapules privées de leur pitance ; leurs flambeaux s’éteignaient comme leurs illusions : c’était lui, l’étranger, le suspect, le vainqueur. Les bouchers avaient eu du sang ; ce n’était pas celui auquel ils s’attendaient.
    – Tiens, le voilà ! maugréa Tiercelet.
    Bagerant s’approchait, une torche au poing. Un râle cruel lui emplissait la bouche. Il avait dû s’égosiller à encourager son écuyer.
    – Tu ne me déçois pas… Je te croyais niais, au sens que prend ce terme-là pour un veneur… Bon sang !… Je t’ai bien cru près de perdre la vie… Tu as dû penser follement à elle  !… Ou à elle !
    Il montrait Oriabel d’un mouvement de menton. Puis dame Mathilde, livide.
    – Parle pas, Tristan,

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