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Les amants de Brignais

Les amants de Brignais

Titel: Les amants de Brignais Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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nobles qui commandent cette armée, manger à midi est aussi sacré que d’ouïr la messe à prime.
    Espiote eut un rire. Il ressemblait au roucoulement de ces pigeons qui volaient à la recherche du Petit-Meschin et de ses hommes. Pierre de Montaut encensa comme un cheval dont il avait l’aspect, et le Bâtard de Monsac – le seul qui fut vêtu de velours rouge – se renversa en arrière et, tout en grimaçant, frotta ses reins de ses paumes couvertes de chevreau noir.
    –  Point de coureurs, dit Bagerant. Ces malveillants ne pourront nous découvrir… À leur place, j’aurais envoyé cent gars fouiller ces terrains !
    Tristan s’approcha du routier immobile derrière un écran de broussailles. À une demi-lieue, peut-être moins, l’armée royale mangeait. Rien ne pouvait donner à penser que Bourbon et Tancarville partageaient le même repas. Deux voies menaient à Brignais ; il se pouvait que l’un eût pris celle de Sacuny, et que l’autre approchât par la plus redoutable : les Barolles.
    – Aimerais-tu être des leurs ?
    Cette question amena une diversion précieuse à la mélancolie de Tristan. Il rit en regardant Bagerant bien en face, puis retomba dans sa maussaderie. Reportant son intérêt sur l’armée immobile, elle lui parut à la fois orgueilleuse et nonchalante, perdue, dans la complète acception du terme, en ce pays de vallons et de plaines dont certaines, comme celle des Aiguiers, se parsemaient de maigres marécages.
    – Tu m’honores, Naudon, en te souciant de mes pensées. Je te réponds loyalement : non, je ne voudrais pas être des leurs. J’ai appris à me défier de l’outrecuidance et de l’emportement des Grands. Ils n’ont tiré aucune leçon de leurs défaites. Ils me font plus peur que nos ennemis. La présomption ne vaut rien à la guerre, surtout contre des gens comme vous. À la ruse, il convient d’opposer la ruse. Si je commandais cette armée, je l’éparpillerais dès maintenant afin de vous priver du plaisir de l’encercler.
    Il y eut un silence – peut-être approbatif – puis Bagerant demanda :
    – T’attendais-tu à ce que nous venions sur la motte du Bonnet en passant devant celle du Janicu ?
    – Je ne m’attendais à rien d’autre qu’à vous suivre.
    – Si le Bois-Goyet et le Mont-Rond sont suffisam ment pourvus en hommes, la plupart de nos compagnies feront mouvement par ici… Bourbon a flairé qu’en prenant la route de Saint-Genis à Brignais, au pied des Barolles, il engageait sa vie et celle de ses guerriers dans une grosse embûche.
    – Est-ce tout ? demanda Tristan sans perdre de vue les brillances de l’armée royale.
    – Non, Sang-Bouillant !… En venant par le nord, les justiciers du roi ont de l’espace pour se déployer jusqu’aux étangs du Loup qui feront pour leurs chevaux et sommiers office d’abreuvoir… La plaine de Sacuny et celle des Aiguiers sont à eux. Nous n’avons laissé personne au Tertre… Vois : ils se sont arrêtés bien avant (294) .
    –  Alors, Naudon, pourquoi ces murailles et ces fossés au Mont-Rond ?
    – Nous avons décidé qu’ils n’iraient pas plus avant que le chemin d’Irigny. Quand la mêlée sera complète, des hommes sortiront de Brignais. Ils repousseront les Francs jusqu’au Mont- Rond. Comme ils apercevront nos archers et nos frondeurs, ils croiront les assaillir aisément. Ce sera là une erreur fatale.
    – Et si Bourbon venait seulement pour assaillir le château ?
    – Mais il vient pour cela, Tristan !… De sorte que l’occasion nous est propice de le tailler en pièces avant qu’il n’entame cet assaut.
    – Comment peux-tu savoir qu’il vient pour le château ?
    Bagerant eut un sourire d’orgueil et de malice :
    – Il ne sait combien nous sommes. Il croit que la seule vue de son ost nous fera peut-être guerpir et que si nous restons, il nous écrasera.
    –  Comment le sais-tu ? !
    Un crachat souligna un furieux mépris pour les Justes.
    – Crois-tu, Tristan, que tous les Lyonnais admirent les gens de France ? Il en est qui vous abominent et ceux-là font d’excellents espies. N’oublie pas que Lyon est depuis peu française (295) et que cet assujettissement a déplu à maints bourgeois et manants… Etre Français, cela signifie quoi ? Avoir constamment l’escarcelle ouverte. Verser des fonds pour ces Valois assis sur un trône branlant, et qui ne se soucient que de fêtes ! De parures et, présentement, d’acquitter la

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