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Les amants de Brignais

Les amants de Brignais

Titel: Les amants de Brignais Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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éloignaient au petit trot. Rien ne brillait ni sur eux ni sur leur cheval. Quand ils eurent parcouru une centaine de toises, ils allèrent d’un amble léger, sautillant, vers un bosquet d’où ils ressortirent au galop, assurés que leurs milliers de compagnons les avaient perdus de vue.
    – Ils viennent vers nous.
    C’était une constatation sans ébahissement. Bagerant se mit à rire :
    – Regarde notre compère le Bourc (299)  !
    Le Bâtard de Monsac venait d’émerger du bruissant et craquant fatras de fougères où il s’était empêtré. Immobile à l’orée de ce bois qu’il devait bien connaître, deux ou trois pas en retrait de la pente herbue qui descendait doucement vers la plaine, il tenait au bout de ses longs bras dressés un miroir d’acier qu’il faisait clignoter au soleil.
    – Et s’il avait plu ? interrogea Tristan au fait de cette astuce.
    – Espiote a sous sa selle un drap que nous aurions déployé.
    – Qui sont-ils ? Goujats ? Sergents ? Ecuyers ? Chevaliers ?
    – Que t’importe ! Il serait bon que tu t’éloignes quand nous leur parlerons… Cet entretien ne te concerne en rien.
    – Et si je refuse, arguant que j’appartiens à votre herpaille (300)  ?
    Un soupir, un sourire ; Tristan eut le sentiment fugace et bienfaisant que Bagerant l’admirait. Comment le routier aurait-il pu deviner que sa force de caractère se révélait, même à lui, Castelreng, dans la conscience de son humiliation ?
    – Reste en retrait si tu tiens à la vie.
    Deux traîtres s’en venaient vers eux… Quels étaient-ils ? Et que faisait Bourbon ou Tancarville, voire les deux, pendant ce temps ? Il semblait, hélas ! que les illusions du passé eussent toujours, pour ces seigneurs présomptueux plus imbus de leur noblesse que de leurs succès – et pour cause – le même pouvoir ensorceleur. Vanité de chevalier pire encore que vanité de gente dame ! Ni Crécy, ni Poitiers, ni les honteux reculs devant la Jacquerie n’avaient émoussé leur doctrine de palatins émérites : ils amenaient sereinement à Brignais une multitude d’hommes de devoir, et sans qu’ils eussent découvert les positions de l’ennemi, sans qu’ils se fussent prémunis contre une attaque plus ou moins développée, mais meurtrière à coup sûr, ils songeaient avant tout qu’il était midi et qu’il convenait de manger. Une espèce de pesanteur subjuguait cette armée lointaine et qui scintillait au soleil par le foisonnement des mailles, des armures et des armes.
    – Il n’y a qu’ainsi qu’ils sont brillants ! releva Bagerant. Hein, Castelreng ?
    L’autre réalité pour lui, Tristan, c’étaient ces hordes de malandrins puissamment amassées sur les collines, dans les creux des sentes et des chemins, et les guetteurs du donjon de Brignais d’où l’on apercevait, par-delà les champs plats des Aiguiers, au pied du Tertre, une ferme au nom prédestiné : Saignes.
    « Et Bourbon ?… Que fait-il ?… Tresse-t-il ses lauriers ? »
    Pierre de Bourbon lui était apparu naguère comme un fumeux assez sot, pourvu d’un grand nez rouge et de jambes cagneuses. Jacques ? Son physique énergique, son regard qui passait sans raison de la rêverie à la contention, et inversement ; son affabilité peut-être affectée, bourrue comme il seyait à tout homme de guerre, ne l’avaient pas empêché, lui, Tristan, de le tenir en suspicion. Sans doute était-il valeureux. Dans le dur métier des armes, c’était une qualité innée, sinon obligatoire que d’avoir du courage. Sans quoi, l’on devenait bourgeois. Mais qu’avait-il à dépriser le comte de la Marche ? Etait-il si parfait pour s’instaurer-son juge ?
    Bagerant fit entendre son rire sec et craquant :
    –  Tu vas devoir te battre s’ils nous assaillent, ne serait-ce que pour protéger Oriabel. Nul d’entre nous ne l’a violée, mais eux, crois-moi, n’auront aucun scrupule… Rien ne les arrête, pas même les catimini (301) … Au, fait, les a-t-elle eus ?… Elle ne va pas déjà te pourvoir d’un enfant !… Ce que je veux savoir, c’est s’ils ont, ce jourd’hui, l’intention d’encercler le château… Ils sont pour le moment comme un essaim d’abeilles qui bourdonnent en aiguisant leurs dards et en riant à l’idée de nous piquer… Mais les pierres de nos frondes bourdonneront à leurs oreilles, et nos sagettes et carreaux siffleront comme des milliers de vipères !
    – Tu t’y vois

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