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Les amants de Brignais

Les amants de Brignais

Titel: Les amants de Brignais Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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près de lui… Elle dort toute vêtue…
    Elle appuyait sur ce verbe dormir avec une ardeur, une dérision farouche, mais qui pouvaient sembler concerner Bagerant. Lui, Tristan, et Oriabel, et même Tiercelet, ébahi, n’étaient pas dupes de cette fureur : cette femme était jalouse ; jalouse de leur misérable bonheur. Dans le lit, à coup sûr, elle se fut mise nue !
    – Et cet homme et moi sommeillons là, sur ce pavement froid et rude !
    Bagerant renversa la tête ; Tristan vit se gonfler son cou mangé de barbe et un rire jaillit dont les secousses s’éparpillèrent dans la chambre et durent être entendues hors des murs. Puis brusquement, avec une révérence lestée d’une férocité dont seule, sans doute, la dame ne sut évaluer le poids :
    – Tu pourrais, femme, dormir dans une cave où dans une des chambres bordelières du Mont-Rond. Ne sais-tu pas ce que ça signifie ?… Tu peux rendre grâces à Castelreng et non à Dieu d’être en l’état où tu te trouves, car sans lui, tu aurais connu Héliot, puis Thillebort avant que de servir à notre ribaudaille !… C e pavement est froid et rude ? Demande à Tiercelet de te prendre à pleins bras : il te réchauffera, tu sentiras moins la dureté des pierres… et celle de sa chair te donnera des envies !
    La baronne outragée se tourna vers l’âtre vide, corné de suie. Tristan vit qu’Oriabel souriait. Elle perdit sa gaieté quand Bagerant la saisit par l’épaule :
    – Tu vas soigneusement bandeler ton époux. Il faut que ces linges soient assez serrés pour qu’ils ne tombent pas, et assez lâches pour qu’il puisse mouvoir ses bras…
    Encore ce rire de démon ; ces dents de loup-cervier. Tout le visqueux que cet homme portait en lui mouillait ses lèvres fines ; il s’en délectait en y passant sa langue, qu’il avait anormalement pointue.
    – Apprête-le sans tarder, Oriabel… Castelreng, je m’en vais quérir ton armure… pour que tu t’enfermes dedans. Hé oui !… Je l’ai confiée à Nadaillac qui l’a remise en état. Elle est comme neuve. Tiercelet a dû apprendre que le comte de la Marche et son compère Tancarville s’acheminent vers nous en bel arroi et ordonnance. Nous allons les épier afin de prévenir leur empainte 92 . Je me doute que tu as faim. Rassure-toi : il y a, en bas, ce qu’il faut.
    – Et moi ? demanda Tiercelet sans parvenir à refouler son anxiété.
    – Toi, tu demeures. Tu protégeras ces dames… Avoue, Tristan, que je suis bien bon !… C’est de l’honnêteté, reconnaissez-le tous.
    – Honnêteté de mon cul, grommela Tiercelet.
    À présent devant une archère, dame Mathilde se hissait sur ses orteils pour essayer de voir plus loin et plus bas. Quoi ? L’armée royale ? Oriabel paraissait comme assommée debout.
    – N’aie crainte, murmura Tristan en lui prenant la main et en l’attirant vers lui.
    Puis, happé, emporté par une colère qui ravivait le mal de son épaule tant il tremblait :
    – Tu as craché ton fiel, Naudon. Laisse-nous seuls !
    – Seuls ? ricana le routier. C’est façon de parler.
    D’un menton dédaigneux, il désigna dame Mathilde :
    – Et elle ? Elle ne compte pas ?… Je suis sûr qu’elle est prête à te livrer son corps, même devant ton épouse !… Pour la faire bisquer, comme on dit en langue d’oc…
    – Oh ! fît dame Mathilde en haussant les épaules et en détournant son attention vers l’archère où venait de se poser un corbeau dont le plumage semblait terne à côté de sa chevelure.
    Puis faisant front :
    – Je vous interdis !… Vous êtes une… ordure !
    Sa fureur semblait prouver que Bagerant avait touché juste. Et d’ailleurs, Oriabel et Tiercelet n’étaient-ils pas inquiets de sa présence ? Tristan se souvint d’un baiser reçu au cours de la nuit passée. Tiercelet ronflait fort, Oriabel semblait dormir… Un long baiser ardent, sans douceur. Ou plutôt sans légèreté. Oui, c’était elle qui avait remonté les draps jusqu’à son cou, attardant sur ses bras ses paumes. Il la revit nue et désarmée au festin de mariage. Elle s’indignait, certes, contre son sort, mais elle vivait cet opprobre comme une ténébreuse aventure dont elle se pâmerait plus tard en se touchant pour se prouver qu’après tout, elle en était sortie comme vierge.
    – Tu dois être fier, Tiercelet, de compagner ces dames aux latrines ! On t’a vu et me l’a rapporté. C’est un usage auquel

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