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Les amants de Brignais

Les amants de Brignais

Titel: Les amants de Brignais Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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rançon d’un Jean qu’on dit Bon et que les Lyonnais disent sot !… Mais pourquoi t’en conter davantage. Tu ne concevrais : point, tel que je te connais, combien la liberté pour les gens de Lyon était chose précieuse.
    – Crois-tu ?
    – Nous savons tout par nos amis. Tiens, quand le Petit-Meschin a maîtrisé le château de Viverols (296) , nous n’étions pas encore à Brignais. C’est pourtant un Lyonnais qui nous en a prévenus… De même nous avons su quand le Chapitre métropolitain de Lyon obtenait du roi des lettres de sauvegarde, et qui commandait en ville (297) . Et si nul ne nous informe et que nous voulons savoir, eh bien, nous envoyons des hommes. Les uns ont l’aspect de marchands, les autres de presbytériens…
    – Angilbert… commença Tristan.
    – Parfois lui, parfois un autre. Nous nous précautionnons contre des erreurs terribles. C’est pourquoi nous sommes ici.
    Bagerant releva la tête et Tristan fut frappé par la tristesse de cette face amaigrie : le routier s’était lancé corps et âme dans une aventure qui dépassait peut-être maintenant ses capacités, mais il ne déchoirait pas vis-à-vis de lui-même en s’y dérobant sous un quelconque prétexte. Plutôt que de la main, ce fut du poing qu’il montra l’armée royale, toute brillante et fleurie de bannières et de pennons.
    – Je sais sur ces héros tout ce qu’il faut savoir. Il y a, là-bas, douze mille guerriers : six mille à cheval, quatre mille sergents d’armes et deux mille arbalétriers.
    – Si tu as tout appris, si tu as vérifié que le cheminement de l’ost royal était conforme aux prévisions de tes compères et de toi-même, pourquoi demeurons-nous au Bonnet ?… Tu ne me réponds pas ?… Eh bien je jurerais que nous sommes en un lieu décidé à l’avance… Des traîtres qui sont en face vont venir compléter tes informations… Après quoi vous apprêterez quelques mortelles fallaces (298) .
    – Hé ! Hé ! ricana le Bâtard de Monsac en s’approchant. Ce Bonnet semble convenir à la tête de Castelreng.
    Tristan haïssait désormais cet homme tout autant que Thillebort. Tandis qu’ils s’apprêtaient à quitter Brignais, le Bâtard s’était avisé d’une fillette qui traversait la haute cour, un panier de linge à chaque main. Elle avait, attachés aux poignets et chevilles, des gobelets d’étain qui tintaient comme des clochettes. Prêt à se jucher en selle, le Bâtard avait tiré son pied de l’étrier pour courir « plumer » la petite. Une fois nue, après qu’il l’eut battue afin qu’elle s’allongeât, il l’avait forcée en quelques coups de reins. Et tandis que la malheureuse, le visage souillé de sang, fuyait, sa robe à la main, vers quelque porche obscur où peut-être un autre dévergondé la guettait, Monsac s’était rajusté fièrement. Sitôt à cheval, il avait ri comme maintenant.
    – Si les porcs pouvaient s’ébaudir, ce serait à ta façon.
    La gaieté du Bâtard redoubla. Il était aussi laid que son âme : lourdaud, un peu bossu ; le front bas, la joue couenneuse et lourde. Ses dents noires, mal plantées, sortant de la lèvre supérieure presque invisible sous le buisson de la moustache, dominaient un menton bref, creusé d’une fossette. Ses longs bras lui donnaient la démarche d’un singe.
    – Tu m’en veux pour cette fillette !… Elle n’était plus vierge depuis quinze jours. D’ailleurs, tu ne m’offenses pas : il m’en faut davantage.
    Feignant l’indifférence aux propos du malandrin, Tristan demanda :
    – Dis-moi, Bagerant… N’aurait-on pas pu se passer de sa présence ? Il empunaise la mort et la carogne !
    Un rire. Le Bâtard s’égayait.
    – Si je suis ici, c’est par nécessité. Ainsi, je ne vais pas me prendre de querelle avec toi !… Ce sera pour plus tard : sois-en sûr !
    Il s’éloigna, dodinant de la tête, bras ballants, serrant les poings.
    – Il est pire que toi, Bagerant !
    – Il a servi un temps chez Arnaud de Cervole… Il l’a trouvé trop mou et l’a quitté… Mais…
    – Ils sont demeurés en bons termes… C’est ce que tu allais dire ?
    Il y eut dans le regard du routier une espèce de frémissement lumineux.
    – Serais-tu aussi devin ?
    – Nenni !… Mais tout me paraît simple.
    Tristan venait d’arrêter son attention vers ce que Bagerant, tout ensemble moqueur et compassé, appelait « l’armée des honnêtes gens ». Deux hommes s’en

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