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Les amants de Brignais

Les amants de Brignais

Titel: Les amants de Brignais Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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déjà, Bagerant !
    – Je m’y vois… et tu t’y vois !
    C’était vrai. Tristan ne pouvait se résoudre de bon gré, lorsqu’il quittait des yeux les deux cavaliers inconnus, à la contemplation d’une armée sacrifiant aux rites des mangeries. Tous les champions des romans de Chevalerie, à commencer par Raoul de Cambrai, Ogier le Danois, Guillaume-au-Court-Nez, eussent, dans son cas, reculé jusqu’à leur cheval, galopé et donné l’alarme à l’armée des honnêtes gens. Mais ces Livres peignaient joliment d’immenses faussetés. Ce n’était pas pour les traîtres d’en face qu’Espiote tenait son arbalète armée d’un vireton !
    – Le soleil est pour eux : il assèche la plaine.
    – Dieu est pour eux, Bagerant !
    Comme la nature était paisible, elle, dans ce renouveau d’avril ! Des collines de feutre, mousseuses de frondaisons vert tendre ; le miroitement glauque, loin tain, de l’étang du Loup ; un ciel bleu où s’était égaré un nuage…
    Les deux félons semblaient galoper sur leur ombre ; ils abrochaient maintenant leurs chevaux, sans doute parce qu’une inquiétude les avait pris et qu’il leur tardait de paroler avec leurs amis puis de revenir au camp à bride abattue. Ils montaient des coursiers noirs et nus, aux sombres harnois : c’étaient les moins voyants ; il se pouvait même que leurs naseaux eussent été fendus, car aucun ne hennissait sous la molette de l’éperon. Une brillance soudaine au col du surcot porté par le jeune révéla, dessous, un jaseran de mailles. Une dague à oreilles pendait à sa ceinture et comme signe de reconnaissance, peut-être, une longue penne d’aigle ornait son chaperon. L’autre, Tristan le reconnut sans peine sous sa coiffure elle aussi emplumée : une face en triangle et de gros sourcils bruns qui se rejoignaient comme un vol de corbeau. Un nez droit, une moustache épaisse, tombante. Entre les poils touffus et le menton relevé en poulaine, une bouche de gros mangeur. Un teint de basane neuve.
    « Cervole !… L’immonde sacrilège !… La trahison en personne ! »
    Tristan s’enfonça dans les fougères, tellement ensauvagé par un courroux confinant à la frénésie qu’il en claquait des dents.
    « L’ignoble ! L’infernal ! Il mérite d’être ébouillanté !… Ecartelé !… Emasculé ! Je prendrais, à le faire, autant de plaisir qu’une ribaude ! » Le cheval de l’Archiprêtre s’arrêta ; cependant, comme il était plein de feu, il ne cessa de saboter tandis que sous la double recommandation de Bagerant et de Monsac, une conversation s’engageait à voix basse. « Tout va se décider incontinent ! » Il était éperdu de rancœur et de haine ; jamais autant que maintenant, dans cet îlot de verdure, il ne s’était senti aussi vain. De même que le soir de son arrivée ; sur le Mont-Rond, il avait la révélation du pouvoir démesuré de ces hommes : ils pouvaient s’enorgueillir : de composer alternativement avec le diable et certains serviteurs du roi ! Soudain, plutôt que de tenter d’apprendre ce qui se disait, il fut pris de compassion pour Oriabel, esseulée, inquiète, angoissée peut-être en dépit de la présence de Tiercelet. Lorsque Bagerant était apparu dans la chambre, il aurait dû feindre de souffrir pour tomber en pâmoison. Ses blessures, maintenant qu’il y pensait, le cuisaient, et son épaule endommagée paraissait adhérer à sa coque de fer… Non, en agissant comme il venait de l’imaginer, il eût perdu la considération du routier qui, d’ailleurs, serait demeuré inflexible. Or, même infects, offensants lorsqu’ils étaient assaisonnés de moquerie, les égards dont il était l’objet lui paraissaient précieux pour sa sécurité et surtout celle d’Oriabel.
    La voix de l’Archiprêtre monta d’un ton, accompagnée du rire de son acolyte :
    – Le meilleur, Naudon, c’est d’offrir la vérité toute crue à Bourbon : il la refusera parce qu’il me déteste. Lorsque je lui aurai rapporté combien vous êtes et où vous vous apostez, il dési gnera des coureurs afin de vérifier mes-dires. Je suis sûr que par crainte d’y recevoir la mort, aucun ne s’attardera où que ce soit.
    – Où te tiendras-tu pendant l’engagement ? demanda Monsac d’une voix qui se dilatait aussi sous l’effet d’une joie meurtrière.
    – Floridas que voilà portera ma bannière.
    Il y eut des murmures et des rires légers. Puis, Cervole,

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