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Les amants de Brignais

Les amants de Brignais

Titel: Les amants de Brignais Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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Souviens-t’en.

 
     
     
     
     
     
     
     
SECONDE PARTIE
     
     
     
LES LIS ET LES ORTIES

I
     
     
     
    –  Pied à terre, commanda Naudon de Bagerant.
    Ses compagnons l’imitèrent, sauf deux jouvenceaux d’aspect retors et papelard qui n’avaient soufflé mot de toute la chevauchée. Chacun portait, de part et d’autre de sa selle, accrochée au pommeau, une cagette d’osier contenant deux pigeons. « Huit coulons », s’était étonné Tristan lorsqu’il les avait vus dans la haute cour de Brignais. « Que veulent-ils en faire ? Sûrement pas les manger ! » Ceux d’Alart étaient gris, ceux de Garnier blancs, grivelés de brun.
    – Ouvre tes cages, Alart !
    Tandis que les quatre pigeons prenaient de la hauteur pour disparaître, d’un vol tressautant, au-delà des voûtes des arbres, Bagerant commenta :
    – Il y a, dans la compagnie du Petit-Meschin, un vieillard qui sait oiseler tout ce qui vole, du faucon au passereau en passant par les hérons, les faisans et les aigles… Ces bestioles, Castelreng, le trouveront sans, peine. Le message qu’elles portent à la patte enjoint à nos compères d’accourir à Brignais le plus vélocement possible avec, bien sûr, les gens de Pacimbourg.
    – Et ces coulons blancs et noirs ?
    – Au Meschin. Moult précautions valent mieux qu’une. Lâche-les, Garnier.
    Dans un froussement vif, après quelques volettements, les pigeons s’essorèrent. Bagerant fut le seul à les suivre des yeux.
    – Ce sont, dit-il, les meilleurs messagers que je connaisse.
    – Je doute qu’ils trouvent le Petit-Meschin. Il leur faut un colombier où ils ont coutume de se poser…
    – Je sais, Castelreng. Avant de nous quitter, notre précieux ami nous a dit par où il passerait, et ses coulons le rejoindront. Il suffit, d’ailleurs, qu’un seul y parvienne. Mais pour plus de sûreté, car les gerfauts sont nombreux dans ce ciel un peu trop bleu pour mon goût, Alart et Garnier vont galoper sans le moindre arrêt jusqu’au Petit-Meschin pour l’informer de nos décisions en ce qui le concerne. Sois sûr qu’il obéira. Tu vois, tout est prévu mieux que dans l’ost royal ; même ces deux coursiers sellés pour que nos chevaucheurs puissent les enfourcher sans retard quand ceux qu’ils montent à présent seront fortraits… J’ai vu que leur présence t’ébahissait. « Personne dessus ? » t’es-tu demandé. Te voilà maintenant avisé.
    Bagerant se tourna vers ses ambassadeurs :
    – Allez, enfants : partez. Belzébuth vous protège !
    Tandis que les jouvenceaux s’éloignaient au galop, chacun menant un cheval de rechange à la longe, Bagerant, soucieux, piétina les cages dont il éparpilla l’osier à grands coups de heuses. Tristan ne put se retenir d’observer que les deux messagers, vu leur âge – douze ou treize ans – lui paraissent bien fragiles.
    – Hé ! Hé ! Castelreng, ces fils de ribaudes ne pèsent pas ; leurs chevaux n’en iront que plus vivement… Si quelque danger se présente, comment pourrait-on les prendre pour des enfants de notre famille ? As-tu vu la livrée que je leur ai fournie ?
    –  J’ai vu leurs armes : d’argent à un chevron de gueules à trois anilles de sable.
    –  Ce sont celles de l’évêque de Nevers dont le nom pour le moment m’échappe… Cesse de faire cette tête, Sang -Bouillant ! Qu’est-ce qui te gêne ? Ton épaule ?… Ta position parmi nous ?… Crois-moi, Héliot est mort : tu devrais nous rester. On te respecterait. Tu deviendrais un de nos meilleurs capitaines.
    – Dieu m’en préserve !… Le 10, j’espère bien qu’on se séparera.
    – D’ici là, n’essaie pas de nous jouer un tour.
    La menace n’émanait pas de Bagerant, mais d’Espiote. Tristan lui trouva l’apparence plus sinistre encore qu’au repas de son mariage. Un petit front griffé de rides précoces, pustuleux ; un nez long, maigre, au bout duquel pendait une goutte glauque ; une mâchoire inférieure fuyante. Quelques poils pâles lui poussaient sous le nez, mais comme ils foisonnaient alentour, il les avait tressés de sorte qu’ils pendaient, ainsi que des cordelettes, aux commissures de sa bouche. Lui aussi s’était vêtu de cuir noir.
    – Mon intention demeure d’être loyal.
    – Envers nous autres ou tes anciens compagnons d’armes ?
    – Regardons-les plutôt que d’en parler, dit Bagerant, agacé. Ils se sont arrêtés : il est midi et pour les

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