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Les amants de Brignais

Les amants de Brignais

Titel: Les amants de Brignais Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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eux, aux regards ! Bourbon les conduit peut-être… ou Tancarville. » Ils passèrent, décidés à frayer sur la butte une voie aux quelque cent piétons de leur suite.
    Les fondeurs firent tourbillonner leur poche de cuir et lâchèrent, ensemble, le lacet qui maintenait la pierre prisonnière. La grêle des galets heurta les coiffes de fer, les chanfreins des chevaux, les épaulières et les pansières. Quatre hommes basculèrent. Leurs roncins, soulagés de leur poids, galopèrent vers le haut de la butte en hennissant à tue-tête.
    Bagerant dut affronter maints piétons porteurs d’épées et d’armes d’hast. Une main apparut, crispée sur le manche d’un vouge. D’un coup, le routier trancha la chair et le bois.
    Estoqué au ventre, un guiclier 106 tomba en hurlant : « Père ! Père ! » Un autre qui levait sa goyarde pour étêter un malandrin reçut un fendant sur sa cervelière de mailles. Elle céda ainsi que son crâne. Sa cervelle et son sang giclèrent sur ses compagnons.
    Bagerant faiblissait. Tristan hésita :
    « S’il vient à mourir, quelque autre linfar le remplacera. Thillebort peut-être. Et si Oriabel est toujours au château… »
    Intervenir en faveur de ce démon ? Oui, hélas ! Par opportunité, nullement par sollicitude.
    D’un coup de pied dans les reins, Tristan abattit un homme qu’il épargna lorsqu’il fut à terre, et dès lors, il essaya de repousser les agresseurs du routier à grands moulinets menaçants, mais vains. Bagerant toupinait, se démenait mortellement, et cinq corps gisaient déjà autour de lui, dont celui d’un écuyer qu’il se plut à patiner jusqu’à ce qu’il ne bougeât plus.
    Il y eut une clameur et d’autres soudoyers de France envahirent la pente. Reculer ? Bagerant ne l’eût pas toléré. Avancer ? Impossible. Se jeter de côté ? Il y avait Thillebort !
    Tristan enrageait de ne pouvoir hurler à ses agresseurs : « Guerpissez ! Je suis des vôtres ! » Il devait se battre comme un routier. Jusqu’à quand ? Aux crépitations des armes s’ajoutait, maintenant, le grondement des chevaux entraperçus plus tôt. Jusqu’où galoperait cette cavalerie ? Sa présence était inutile !… Où étaient passés les capitaines ? Des hauteurs du Mont-Rond, des vols incessants de pierres et de flèches allaient s’abattre sur les arrières de l’armée royale quand ceux-ci redevenaient distincts au-delà des mêlées toujours acharnées. On entendait leur sifflement aigre ou ronronnant, et malgré ces averses et ces grêles mortelles, ceux de France semblaient conserver l’avantage. Dès qu’une grappe de routiers descendait à la rencontre des plus aventureux d’entre eux pour les affronter, les pic quenaires et les guisarmiers au service du roi les contraignaient au repli. Chevaliers, écuyers, ribauds, roncins et palefrois s’engloutissaient dans ce fleuve de fer où parfois branlaient des moignons de lances et des épaves de bannières.
    Quelque hardi qu’il fut, Bagerant reculait. Une meute s’était agglomérée autour de sa personne. Ce que Tristan n’osait faire, Thillebort le fit avec ses sicaires. Cinq hommes tombèrent et Bagerant recula encore, abandonnant son compère et ses malandrins pour se porter loin de la presse. Tristan le suivit.
    – Tu ne crois pas tout de même que j’ai peur, Sang-Bouillant ?
    Le routier avait relevé sa ventaille. Son visage était plus que rouge : cramoisi. Tristan comprit qu’il pourrait l’occire à condition de rendre leur affrontement interminable. Cet homme-là devait avoir les poumons malades.
    – Je ne crois rien. Tu as voulu que je sois présent. Tu dois être content !
    Bagerant, de ses doigts ferrés, écarta la bave qui blanchissait ses lèvres :
    – Agar 107  !
    Tristan regarda et jugea.
    – Merdaille.
    Une longue colonne de malandrins à pied, tous armés d’épieux, avec pour enseignes des robes et des chemises de femmes, abandonnait en courant le château. Dix cavaliers les accompagnaient.
    – Hé ! Hé !… Voilà pour la curée le reste de la Sociale !
    « Impossible de m’enfuir !… Il y en a partout… Un cri de Bagerant, et je suis percé par vingt lames et picots de fer !… Attendre. Il me faut attendre encore… Le roi devra comprendre cela, lui qui, à Poitiers, fus cerné comme je le serai pour peu que j’accomplisse un mouvement de trop !… Vivrai-je ?… Tous ces chevaux morts… Ces hommes… Je dirai à Jean II

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