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Les amants de Brignais

Les amants de Brignais

Titel: Les amants de Brignais Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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qu’il n’y eût aucune confusion de personne, Doublet s’écriait :
    – Dieu soit loué, messire !… Il est là… C’est Tristan de Castelreng !
    Et à l’assistance pétrifiée :
    – Il était captif des Tard-Venus ! S’il a combattu à Brignais, c’était uniquement pour se défendre !
    – Ha ! Ha ! Voilà bien des sornes, répliqua Guillonnet de Salbris. Il a occis sous mes yeux mon très aimé Thomas d’Orgeville !
    – Ce très aimé pue la sodomie, marmonna Angilbert. C’est la jalousie qui porte cet homme à la haine… Et même la désespérance. Nullement le besoin de justice !
    Tristan se souvint d’avoir surpris un jour le défunt et Salbris main dans la main, et qu’Orgeville se parfumait fort. Comme une femme. Cependant, il n’eût jamais pensé… De plus, comment aurait-il pu savoir qu’en défendant sa vie contre ses adversaires, il avait affaire à Orgeville ? Tous avaient leur ventaille close.
    Cessant de regarder le clerc, il ne vit devant lui que des visages inquiets, ahuris, maussades. Tous ces hommes et ces femmes cachaient derrière leur front la déception de se priver d’un sacrifice : le sien. Par son irruption Doublet corrompait leur plaisir.
    L’inconnu s’approcha des témoins stupéfaits. Il s’inclina devant monseigneur Charles d’Alençon et les dames avec une distinction de Cour incongrue en de pareilles circonstances, mais qui révélait une nature pondérée, aimable, bienveillante :
    – Je suis Gérard de Thurey, maréchal de Bourgogne, et voici l’homme qui m’a pris à Brignais : Jean Doublet… Il eût pu me conduire auprès de mes compagnons, prisonniers d’autres coquins, et me mettre à rançon… Eh bien, non ! Il m’a dit qu’il voulait revenir à l’obéissance du roi et que son cas était comparable à celui de Tristan de Castelreng, tombé aux mains des Tard-Venus. J’ai plaidé cette nuit sa cause auprès de mon aînés-né, Guillaume, qui est là-bas (346)  !
    Le prélat blême et glabre fut désagréablement surpris d’être interpellé sans ambages. De sa tête à sa main agitée, son attitude apparut négative.
    – Et vous avez cru, messire, les propos de ce Doublet ? Il vous a doublé, rien de plus !
    Gérard de Thurey lança un regard méprisant à Salbris. Loin de s’en offenser, le hobereau se hissa sur la pointe de ses solerets, au risque d’en faire craquer les poulaines :
    – Ce traître est depuis trois mois au moins au service de Garcie du Châtel et de tous les autres fils de Bélial, comme dit notre Saint-Père le Pape ! Ne l’aurais-je pas vu se battre avec fureur et occire mon ami que je pourrais douter de sa conduite… Vous êtes maréchal de Bourgogne, soit. Mais moi, je suis l’homme de confiance de Jacques de Bourbon, qui se meurt et fut peut-être navré par ce malandrin… Et tous mes amis de Lyon en sont d’accord : il doit périr car pris sur le fait !… Il doit périr pour trahison envers la Couronne, et il ferait beau voir que vous vouliez vous opposer à l’exécution d’un félon que nous avons condamné…
    – Sans procès !… Sans témoins ! intervint Angilbert.
    – Toi, moine corrompu, demeure où tu te trouves.
    Et dégainant son épée, Salbris la pointa sur la bedaine d’Angilbert qui se tint coi.
    – Doublet, aussi vélocement que possible, sera porteur de lettres de rémission, aussi vrai que je suis Gérard de Thurey !… Je l’envoie à Paris !
    – Votre Doublet ne nous est d’aucun intérêt, messire !… Les Lyonnais se sont assemblés dans les rues pour voir passer, dans cette charrette-là, huit routiers im-par-don-nables. Pas sept ! Occupez-vous de votre Doublet ; laissez-moi mener à bien une épuration qui reçoit tous les suffrages… Voudriez-vous l’en empêcher que vous auriez tous les bourgeois et manants contre vous, et qu’à défaut d’être mort à Brignais, vous péririez sans gloire… car qui défend le crime est criminel aussi ! Votre frère lui-même vous désavoue !
    – Malebête !
    Mais Doublet retint le geste du maréchal vers son épée.
    – Ce démon est en force : il faut nous incliner.
    Fauquembois se tortilla sur le sol, touchant Taupart dont il augmentait la souffrance, et qui hurla.
    – Je ne suis qu’un malandrin, dit-il, et vous vous moquerez autant de mon témoignage que d’un pet que j’aurais lancé… Mais il est vrai que Castelreng est arrivé chez nous juste au mitan du mois dernier.

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