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Les amants de Brignais

Les amants de Brignais

Titel: Les amants de Brignais Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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Dès lors, ce hutin n’a cessé de provoquer nos chefs… Il était enfermé au donjon avec…
    Guillonnet de Salbris s’approcha et donna un violent coup de pied sur un des moignons du drôle sans lui tirer le hurlement que sans doute il espérait :
    – Un mot de plus et je te perce de cette lame… Et puis, non : je préfère te voir devenir visqueux, pustuleux comme le crapaud… Je préfère ouïr tes gémissements !
    – J’avais pour vous une certaine estime, dit Tristan, voussoyant son ancien compagnon. Je vais mourir en vous maudissant… Puisse Dieu ouïr mes prières, car je vais vous souhaiter une mort aussi terrible que celle dont vous vous délectez !
    Charles d’Alençon les sépara de son bâton pastoral. Il souriait : un trait blanc sous sa moustache dont les pendants se mêlaient à une barbe légère, clairsemée, sous laquelle affleurait une peau blême. Tristan soupira. « Lui aussi se pourlèche à l’idée de notre mort… Si ses grosses oreilles rouges ne retenaient pas sa mitre, elle lui ferait un joli colletin ! » Il fallait qu’il trouvât, en attendant le bûcher, des prétextes au rire ou à la dérision.
    Jean Doublet s’approcha, le visage exsangue :
    – J’ai fait ce que j’ai pu. Il nous fut impossible de venir plus tôt.
    – Je t’en sais bon gré.
    Gérard de Thurey s’inclina :
    – Mes regrets sont sincères… et je me vengerai de cet outrecuidant !
    – Je n’en doute pas, messire.
    – Il faudrait un miracle… La foule vous hait tous…
    Je ne vois pas ce qui pourrait la retourner à votre seul avantage…
    – Plus de clarté bientôt, plus d’espérance, commenta Angilbert le Brugeois. Du moins, mon fils, as-tu le contentement amer d’avoir fait pour le mieux… C’est souvent le sort des purs de payer pour les ordures.
    Et plus bas, s’adressant aussi bien à Doublet qu’au maréchal de Bourgogne et à Tristan :
    – Savez-vous – et j’en parle en connaissance de cause ! – que ce Guillonnet de Saloperie aurait sa place à Brignais.
    Un hurlement les fit regarder droit devant. Les bourreaux venaient de jeter Fauquembois dans la charrette. Taupart le suivit, mais retint les cris dont Salbris se fût délecté.
    – Montez, vous autres !
    Deux guisarmiers entourèrent Nadaillac, Martineau, Sabourin ; et comme il ne se hâtait pas, Lambrequin reçut un taillant sur la tête. Le sang la vermillonna sur tout un côté.
    – À vous, le moine !
    Angilbert le Brugeois, avant de s’éloigner, bénit les deux stériles sauveteurs, fut empoigné sous les aisselles et hissé, jeté sans ménagement parmi ses compères. Alors, la satisfaction de Salbris éclata comme un chant de trompettes :
    – À toi, fils de truie de la Langue d’Oc.
    C’était par le mépris qu’il fallait humilier cet homme. Obéir tout en lui fournissant l’impression qu’il n’existait pas. Tristan fit lentement quatre pas, sans peine, avec une dignité qui n’était en rien contrainte : une dignité de prince, songea-t-il. Il sauta seul entre les ridelles et lorsque les bourreaux eurent cadenassé le hayon à claire-voie de la charrette, il demeura debout, sans honte d’affronter le peuple de Lyon.
    – Non, dit-il, se méprenant peut-être sur le regard qu’Angilbert lui lançait. Je ne veux point prier… Si vous saviez, mon Père, ce que j’ai pu prier vainement depuis que je suis en âge de le faire ! Jamais je n’ai été exaucé en quoi que ce soit !
    – Et Oriabel ?
    – C’est à Tiercelet, non à Dieu, que je dois notre rencontre.
    Pacifié par cet aveu, il regarda autour de lui tandis que Fauquembois gémissait :
    – On a les mains libres…
    Cela signifiait, sans doute : « Battez-vous ! Ils vous occiront maintenant et vous échapperez au feu. » Le regardant, Tristan haussa les épaules. C’était tout de même singulier qu’il se sentît à l’aise parmi ces hommes ! Parce qu’ils souffraient et allaient souffrir davantage ? Non. Ils étaient du commun. En tant que tels, leur vie n’avait été composée que de misères et d’humiliations, et c’était pourquoi, croyant obtenir leur suffisance en tout, ils avaient rallié la route d’Espiote, de Thillebort ou du Petit-Meschin. Le moignon sanguinolent que Sabourin dressait comme un sceptre et regardait parfois de ses yeux clairs, prenait une apparence horrible. Nadaillac désigna cette chair noircissante – puante aussi :
    – Bientôt, mon frère, un

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