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Les amants de Brignais

Les amants de Brignais

Titel: Les amants de Brignais Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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contenaient de son arme à l’horizontale, tout en donnant de la voix et, parfois, en insultant les insulteurs.
    « Ces honnêtes gens sont affreux !… Il leur faut du sang, de la braise ! Je devrais crier mon innocence, mais ils sont trop méprisables pour que je m’adresse à eux !… Le roi et son fils mettent des impositions sur tout… Ils feraient bien d’en mettre sur la bêtise, la férocité… Nous allons mourir : qu’on nous ait du respect !… La condescendance des gens de Justice est presque aussi affligeante que ces huées, ces poings tendus, ces crachats ; cette pierre qui vient de tomber, sur ma tempe… Car on nous jette des pierres des fenêtres… »
    Son regard s’abaissa ; il tressaillit. Une bouffée de joie, puis une tristesse féroce le firent chanceler : là, dans la foule, côte à côte, il y avait Oriabel et Tiercelet. Aucun doute. Le brèche-dent tenait la jouvencelle éplorée par l’épaule ; son visage était pierreux ; une impuissance terrible noyait de larmes ses prunelles. Tiercelet pleurait aussi !
    « Je savais, mon ami, que tu avais une âme ! »
    Ils avaient pu s’enfuir, et les routiers de la charrette étaient bien trop étreints par la peur de mourir pour avoir remarqué leur présence devant la porte d’une auberge.
    « Ils ne sont que deux… Ils devraient être trois ! »
    Mais qu’importait la troisième. Il fallait qu’ils restassent là. Tiercelet devait refuser à Oriabel de l’emmener jusqu’aux bûchers.
    « Ils vivent !… Ah ! Quelle joie dans ma peine !… Tiercelet va s’occuper d’elle… Il saura la consoler !… Il l’aime bien… Il l’aimera mieux, sans doute… Qu’ils soient heureux… Moi, je serai le vent qui séchera leur peine. Comment s’y sont-ils pris ?… J’aimerais tant savoir ! »
    Il les chercha. Ils avaient disparu. Ils n’allaient tout de même pas suivre cette procession lugubre ?
    Un douloureux sanglot lui lacéra la gorge, et sa vue se troubla.
    – Ah ! Ah ! Triompha de Salbris. Je savais que tu céderais à l’angoisse !
    Tant de joie effrénée, incongrue, cautionnait l’infecte passion que ce malicieux avait vouée à Orgeville. Dire qu’il avait cru connaître ce… couple ! Dommage qu’il dût mourir, car il eût aimé couper, au plein sens du verbe, la parole à ce sodomite, et faire un sort à sa virilité !
    « Je vais cramer, moi, Tristan ! »
    Chaque goutte de sa vie, d’autant plus précieuse qu’il allait disparaître, avivait son amour pour une jouvencelle issue de rien. Toute la compassion dont son cœur était plein, plutôt que de s’adresser à sa propre détresse, avait pour objet Oriabel et son désespoir. La foule grésillait de cris et d’invectives ; les poings se tendaient, tressautaient. Des cloches sonnèrent, fortes et funèbres. Ceux dont l’acharnement envers les condamnés confinait à la folie apparaissaient comme ceux dont la condition ressemblait à celle qu’un Taupart ou un Fauquembois avait abandonnée pour courir l’aventure. Comment lui, Tristan, n’eût-il pas rapproché cette tourbe lyonnaise de celle de Brignais ? Il ne pouvait que remarquer l’indécence des vêtements – des haillons, souventefois –, l’indignité des molestes puisées au plus profond d’un langage ordurier ; l’extraordinaire ressemblance entre Nadaillac et un manant qui, à grands coups de bâton, martelait le treillis de la ridelle pour y frapper les doigts que le routier venait d’y crocheter.
    Il ferma les yeux sur sa détresse et sa peine, et ce fut alors qu’il entendit un cri si fort, si plein d’autorité qu’il imposait le silence. Parmi toutes les têtes agglutinées, il aperçut un front haut sous un truffau 124 de velours rouge orné de fanfreluches 125 et des cheveux noirs à reflets bleuâtres comme ceux qui moiraient le plumage des pies. Le visage, enfin : pâle, avec dans la forme de la bouche quelque chose de pareil à une détresse d’enfant.
    –  Dame Mathilde ! murmura-t-il, le cœur labouré d’espérance.
    Depuis qu’il avait fui la geôle de Perrette Darnichot, il n’avait vécu que dans l’incertitude et le provisoire. Eh bien, à l’instant même où le définitif s’annonçait et où tout un peuple gesticulant souhaitait sa mort, une ; voix retentissait, stridente :
    – Arrêtez ! Arrêtez !… Je réclame un condamné !
    La dame accourait, frayant sa voie à coups de poing et de coude, dédaignant et

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