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Les amants de Brignais

Les amants de Brignais

Titel: Les amants de Brignais Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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cautère énorme te guérira tout entier !
    Tristan fut persuadé que ce truand affronterait la mort avec sérénité.
    Un moine étique – un franciscain, le visage enfoncé sous sa coule comme pour échapper aux regards de Dieu – quitta le logis des hommes d’armes et se mit devant la charrette afin d’ouvrir la voie. Il fut suivi par dix arbalétriers de la prévôté dont les deux capitaines se postèrent, l’épée nue afin de contenir les curieux, l’un derrière le monial, l’autre derrière la voiture. Leur torse ceint d’une roque 123 brodée, deux dominicains sortirent, balançant des encensoirs. Ils allèrent flanquer le franciscain sans toutefois se placer complètement à sa hauteur.
    – Nous aurons moult religieux à nos obsèques, constata Martineau.
    – Je veux voir ! supplia Taupart.
    Nadaillac et Sabourin – d’un bras – le soutinrent, et il se mit à pleurer, à gémir comme les malheureux qu’ils avaient tourmentés.
    Le bourreau et ses aides prirent la suite du capitaine, assez près de la ridelle arrière, de sorte que Fauquembois, rampant sur le plancher du véhicule, put cracher sur l’exécuteur des hautes œuvres et dire ensuite :
    – Il pleut.
    Angilbert le sermonna :
    – Mon fils !… Mon fils !… Voyons !… Aie du respect pour ce brave homme qui, lui aussi, n’était pas à Brignais.
    Traversant la cour après être sortis d’un autre logement, dix soudoyers, barbute en tête et l’arc à la main, comme s’ils allaient à la pêche, formèrent sur deux rangs la fin du cortège que suivirent d’un pas lent, le visage immobile et pensif, Guillonnet de Salbris et les représentants du Clergé, de la Justice et de la Noblesse,
    – Est-ce loin, cette église ? demanda Tristan à l’un des arbalétriers qui flanquaient la charrette.
    – Trois ou quatre cents toises… Je ne sais pas trop… Je ne suis pas natif de Lyon, mais de Pont-Saint-Esprit… Et c’est pourquoi je vous hais.
    –  C’est ton droit. Et tu dois abominer l’Archiprêtre ?
    – On m’a dit qu’il s’était amendé.
    Une voix s’éleva :
    – Défense de parler aux condamnés !
    Guillonnet de Salbris !
    – Où sont Tancarville et les autres ?… Bon sang, c’est ce pernicieux qui commande à Lyon ?
    – Les maréchaux et capitaines entreront ce soir en ville, messire, dit un des bourreaux. Par sollicitude, ils sont demeurés auprès de leurs hommes.
    – Ou par vergogne ! s’ébaudit Angilbert le Brugeois.
    Ce fut tout : ils entraient dans la première rue. Bourgeois, manants, enfants et même quelques ribaudes dépoitraillées leur montrèrent le poing en hurlant : « À la mort ! À la mort ! » et même : « Aux fagots ! » Tristan s’était attendu à ce flux de colère. Angilbert lui fit signe de s’asseoir auprès de lui, mais il refusa de la tête.
    – Dommage, dit Martineau, qu’on ne soit pas à Vendôme !
    – Et pourquoi ? demanda Taupart en gémissant.
    Il n’osait regarder ses pieds épouvantables. Fauquembois également.
    – Pourquoi ?… Parce que la cité a le privilège de donner chaque année la liberté à un condamné le lendemain des Rameaux (347) … Or, nous y sommes !
    – Je suis Normand, dit Angilbert.
    C’était une sorte de révélation. « Il ne m’avait pas dit cela quand je l’ai connu, songea Tristan. Il se prétendait de Bruges ! » Mais l’avait-il bien entendu ?
    – À Rouen, poursuivit le moine, le Chapitre de Notre-Dame a reçu un droit semblable pour le jour de l’Ascension.
    – Nous ne sommes ni à Rouen ni à Vendôme ! enragea Sabourin. Moi, mes frères, j’ai perdu toute espérance.
    – Alors, prie !
    – Non !… Cela ne sert à rien. Quand la peste est venue dans mon pays, j’ai prié, prié pour qu’elle épargne ma femme et mes enfants… Va te faire lanlaire !… Ils sont morts… Alors, pour mourir aussi, j’ai ensépulturé des morts : des douzaines, des centaines… Et je priais le Seigneur de me délivrer de la vie !… C’est menterie de l’appeler le Tout-Puissant !
    – Tu vas les rejoindre au ciel, dit Nadaillac. De quoi te plains-tu ? Brûlant comme tu seras, tu auras le feu au cul et ta femme sera contente !
    Tristan écoutait involontairement. Les jurons, malédictions et « À mort » dominaient, dans ses oreilles, les propos de ses compagnons. La foule grossissait ainsi que ses injures. Çà et là, un guisarmier, un vougier, un picquenaire la

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