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Les amants de Brignais

Les amants de Brignais

Titel: Les amants de Brignais Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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détournant les armes d’hast qui s’opposaient à son avance. Une colère immense déformait ses traits :
    – Je réclame cet homme-là… Tristan de Castelreng. Il est innocent et ma requête doit être acceptée !… Je l’épouserai !… C’est la coutume.
    Son ahurissement consumé, Tristan sentit couler sur lui des ruisselets de sueur froide. Le désir de le sauver se lisait dans les yeux sombres – des yeux de louve – de la dame. Par la brèche large de son fasset (348) de cendal vermeil orné de guipures de Gênes ou de Venise, il put voir se soulever, sous le mollequin qui la couvrait, cette poitrine opulente dont Bagerant, parfois s’était ri. « C’est une idée de Tiercelet ! Oriabel est consentante ! C’est uniquement pour me rendre à elle que Mathilde entreprend cela !… Mariage blanc, comme on dit, puis nous divorcerons ! » Elle contournait la charrette et faisait front aux notables du cortège contrariés de son intervention :
    – C’est la coutume, messire Prévôt ! C’est la coutume, monseigneur Alençon ! Vous vous y êtes pliés l’an passé pour dame Odile de Sathonay qui vous réclama un homme qu’on menait au gibet !… J’étais présente. Moi, Mathilde de Montaigny, j’affirme valoir cette dame et fais droit, tout comme elle, à un usage que nul Lyonnais, jusqu’ici, n’a osé contester !
    Il y eut un silence accablé : celui d’une centaine de gens groupés dans cette portion de rue, et qui se sentaient soudain dépos sédés de leur fureur et de leurs invectives à l’endroit d’un seul homme qui, debout entre les ridelles, défiait leur haine tout aussi fétide que leurs haleines réunies.
    – Montaigny ! chuchota Angilbert le Brugeois. Oriabel ne t’avait-elle pas dit qu’elle était chambrière en ce châtelet ?
    – J’ignorais que Mathilde en était la maîtresse et comprends sa hautaineté à l’égard de mon épouse.
    – Ton épouse… Bon Dieu, Tristan, baisse-toi !
    Comment ne pas obéir ? Les yeux du clerc brillaient immensément.
    –  Si ce prévôt et ce prélat accèdent au vœu de cette femme, épouse-la !
    –  Même laide et bossue, vous pensez bien que dans l’état où je me trouve, j’accepterai ce mariage ! C’est sûrement une idée de Tiercelet grâce auquel elle s’est évadée. Il est présent dans la foule avec Oriabel… Mathilde, en procédant ainsi, me montre sa gratitude pour ce que j’ai fait pour elle. Dans quelques jours, nous divorcerons… Je renouerai avec Oriabel car je tiens votre sacrement pour valable… Se parjurer, en l’occurrence, m’apparaît comme un péché véniel. Pas vrai ?
    Il souriait : l’espoir s’affermissait. Angilbert grimaça.
    – Tu n’as pas épousé Oriabel.
    – Quoi ?
    – Je ne suis pas plus clerc que tu n’es évêque. J’aime le vin, la bonne chère et j’ai, ma foi, troussé quelques matrones qui personnifiaient le canon de mes désirs… Et je me moque du droit canon !… Six mois de moutier m’ont suffi !… J’ai aimé me sentir le ministre de Dieu parmi tous ces oiseaux de carnage qui picorent sur les grands chemins. Moine, ils ont eu respect pour ma couardise, dérision pour mes faiblesses, admiration pour mes… coups de reins… J’ai vécu bienheureusement… Mon froc m’a protégé davantage que leurs armures…
    – Mais ce froc, justement ?
    – Le pillage d’un couvent… Tu es libre… Quelques semaines, quelques mois, tâche d’oublier Oriabel, même si elle a de beaux tétons et un petit cul auquel tu penseras, j’en suis sûr, avec une tristesse voluptueuse !… Epouse Mathilde. Trousse-la, car elle doit aimer ça… Et oublie tout ! Mange, dors, prélasse-toi, culbute ta femme !… Regarde-la ! Elle doit avoir un tigre sur son écu !
    Dame Mathilde plaidait avec force, et même remuait son petit poing devant la face vermillonnée de Guillonnet de Salbris. Jamais il n’aurait pu prévoir cet affront, cette entaille dans une cérémonie dont chaque scène, jusqu’ici, lui avait paru délicieusement féroce. Tristan se dit que la baronne de Montaigny, quelque révérence qu’il eût pour son action, ressemblait à l’une des Erinyes que les Romains appelaient les Furies et dont l’une, la Mégère, n’était qu’envie et que haine, – et qu’elle le sauverait.
    – Je le réclame pour époux et j’ai, pour cela, d’excellentes raisons !
    – Mais, noble dame, allégua visqueusement Salbris. C’est

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