Les amants de Brignais
pour « séduire » les habitants de Nîmes, leur adresse une lettre de menaces datée du « vendredi adoré, après le saint mystère ». Un ignoble scélérat, Lyon du Val, accepte de se soumettre… à condition que le roi le nomme son huissier d’armes. Or, quelques mois auparavant, il avait enfumé les habitants de Thieux groupés dans leur église !
Le roi Jean, à son retour d’Angleterre, décida de combattre les routiers. Mais comment ? Il eut beau envoyer dans le Midi son connétable Robert de Fiennes, son amiral Baudrain de la Heuse, et le maréchal Arnoul d’Audrehem, que pouvaient-ils faire ? Peu de chose. Par des lettres données à Beaume, le 25 janvier 1362, il institua le comte de Tancarville son lieutenant avec tous les pouvoirs : « Faire host et chevauchées contre les compaignes et autres nos ennemis qui s’efforceront à meffaire en notre dit royaume. » Or, Tancarville eut beau convoquer des troupes pour le 13 février, appeler aux armes la noblesse : la plupart des prud’hommes avaient à lutter sur leur territoire contre les brigands !
Ils étaient partout. Prêcher une Croisade ? Le Pape, le 8 janvier 1361, justement, avait fait proclamer la Croisade dont le cardinal-évêque d’Ostie, Pierre Bertrandi serait le… capitaine. Combien les hommes réunis à Brignais durent s’ébaudir des stériles décisions de ces hommes !
LES MALES GENS
Quels étaient, d’ailleurs, les capitaines de Brignais ?
Froissart en cite sans doute un peu trop. Selon lui, il y avait Seguin de Badefol, Talebart (Tallebardon ou Thillebort), Guiot du Pin, Espiote, Batillier, François Hennequin, Le Bourc Camus, le Bourc de l’Espare, Naudon de Bagerant, le Bourc de Breteuil, Lamit, Hagre l’Escot, Albrest Ourri, l’Allemand, Borduelle, Bernard de la Salle, Robert Briquet, Carsuelle, Ayme non d’Ortinge, Garsiot du Châtel, Guionnet de Pau, Hortingo de la Salle, etc.
Il y avait sans doute aussi le Bascot de Mauléon. Sur Seguin de Badefol, les avis sont partagés, bien qu’il fut apparu, en 1360 avec sa compagnie, la Margot, dans les sénéchaussées de Nîmes et de Beaucaire. Maurice Chanson affirme qu’il était à Brignais. Rien l’est moins sûr. D’ailleurs, les chefs semblent en avoir été : Jean Aymery, Garcie du Châtel, le Bourc de Bre teuil, Bérart de Labort, Espiote, Bertuchin, Pierre de Montaut, Jean Hazenorgue, le Petit-Meschin et Harnault (ou Arnaud) de Thillebort. Deux noms se distinguent des autres par le titre qui les accompagne : messire Jean Aymery et messire Garcie du Châtel. Deux chefs suprêmes. Ce fut d’ailleurs Garcie du Châtel qui reçut, au traité de Clermont, les 100 000 florins exigés pour le départ des Compagnies vers le sud.
Seguin de Badefol était-il à Brignais ? Aimé Chérest nie qu’il y séjourna. Il ne figure même pas parmi les routiers qui accompagnèrent le Trastamare en Espagne. Etrange homme, d’ailleurs, que celui-là. Il était un cadet de la famille de Gontaut, du Périgord, fils de Seguin de Gontaut, sieur de Castelnau, de Berbi-guières, de Badefol, de la Linde.
En 1279, le roi d’Angleterre avait établi une pêcherie à la Linde, et Philippe VI en avait disposé en 1339 en faveur de Seguin (père). La Linde fut confisquée en 1342 puisque Seguin avait pris le parti des Anglais, mais le 24 juillet de cette année-là, Jean de Marigny, évêque de Beauvais, ayant embrassé le parti du roi de France, la lui rendit au nom du roi.
Seguin père et Seguin fils fréquentaient plus volontiers Badefol, dans le canton de Cadouin (arrondissement de Bergerac) que la Linde. Seguin père avait mis cinq châteaux sur ses armes ; son fils les remplaça par huit besants et se lança dans la rapine. Le 13 septembre 1363, peut-être avec son frère Tenet dont on sait peu de chose, il s’empara de la forteresse de Brioude et Philibert de l’Espinasse, gouverneur d’Auvergne et du Berry ne put qu’appeler au secours… sans recevoir aucun appui. Puis Seguin, de nouveau par escalade, s’empara d’Anse, à quelques lieues de Lyon, et donna libre cours à son ambition, entraînant dans son sillage les routiers bien connus : Périn de Sasine, alias le Petit-Meschin, Bertuchin, Espiote, Vaire du Cap, Annesoige. Ils prétendirent entrer en Bourgogne pour aller offrir leurs services au duc de Touraine, et comme il était impossible de s’opposer à leurs méfaits, eh bien, l’on négocia.
Le traité fut conclu les 4 et 5 avril
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