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Les amants de Brignais

Les amants de Brignais

Titel: Les amants de Brignais Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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que j’aie encore fait en votre absence ? J’ai descellé les pierres des latrines. Besogne aisée pour un homme de mon espèce.
    – Ensuite ?
    – Nous allons, en attendant la nuit, nous asseoir sur ce lit afin que si quelqu’un vient voir ce que nous faisons par le guichet, il ne découvre rien qui l’engage à crier : « À l’arme ! » Dès que possible, nous approcherons le lit du passage et assujettirons la corde à la plus sûre traverse du châssis. Notre poids serrera le tout contre l’embrasure. Croyez-moi : rien de bougera.
    Une lueur de moquerie scintillait dans l’œil de Tiercelet. Tristan demanda :
    – Ensuite ?
    La lueur s’éteignit et revint. Tiercelet eut un rire silencieux et se tapota les cuisses.
    – Ensuite, nous descendrons aisément et tomberons de cet endroit moins promptement qu’un étron…
    Je vous en préviens tout de même, car truand, j’ai parfois mes moments de civilité : il doit manquer une toise et demie 29 de corde à mon ouvrage. Gare à la chute… Ne laissez pas dépasser votre langue de vos dents : vous la couperiez.
    – J’y veillerai.
    – Je vous devine pensif… Qu’allez-vous me dire ?
    La question semblait pleine d’une agressivité contenue. Tristan soupira. Ce nouveau et brusque compérage lui avait enseigné déjà bien des choses – beaucoup plus qu’il n’eût souhaité d’en savoir. Allait-il devoir aussi prendre des leçons d’humilité ?
    – Je n’ai rien qui puisse te courroucer à te dire. Je voudrais qu’il y ait une forêt toute proche afin de nous y engloutir et de pouvoir, ainsi, déjouer le pourchas que sans doute dame Perrette commandera contre nous.
    – Bah !… On verra. Vous descendrez le premier.
    Tristan chaussait une de ses heuses. Il releva la tête, inquiet :
    – Pourquoi pas toi ?
    Le silence devint complet, à croire que Tiercelet retenait son souffle. Tristan fut comme intimement averti que sa question le perdait dans l’esprit de Tiercelet parce qu’elle révélait une infériorité flagrante, susceptible de troubler l’ordre de leurs relations en détruisant irrémédiablement un respect déjà fort amoindri.
    – Vous devriez comprendre que c’est un honneur que je vous fiais. Passant le premier, je pourrais déguerpir tout seul, car selon votre état et votre caractère, vous allez m’être un fardeau… Mais tant pis : j’ai décidé de vous sauver, je le ferai… Et puis, je n’ai jamais fréquenté de prud’homme ; je veux savoir s’ils sont aussi valeureux qu’on le dit !
    – Je crains de te décevoir encore, murmura Tristan, sincère.
     
    * * *
     
    Ils attendirent que la nuit fût intense. Assis ou debout, côte à côte, ils tressaillaient au moindre bruit et priaient – différemment sans doute – pour qu’aucun événement fortuit ne vînt détruire leur dessein et mettre leurs personnes en péril. Dans l’obscurité de plus en plus opaque, Tristan ne faisait qu’apercevoir son compagnon.
    « Un bœuf… Non : un taureau. Il me déteste… Ce fumeux (1) 49 n’admet ni mes façons ni mon estoc (1) 50 . La confiance que je lui ai accordée l’exaspère. Il doit y avoir pourtant du bon chez ce manant ! »
    Il n’avait jamais confabulé avec des gens de cette espèce. C’était pourtant chez eux qu’on trouvait les meilleurs hommes d’armes.
    – Vous ne dites rien.
    – Je n’ai rien à te dire. J’attends.
    – Mais vous avez vos nerfs… comme une donzelle.
    Tristan se rebiffa :
    – Je ne te permets pas…
    Les mains de Tiercelet s’élevèrent, blêmes, dans les ténèbres, et ses yeux jetèrent une brève lueur.
    – Faut pas monter pour ça sur votre grand cheval !
    Fallait-il poursuivre cet échange d’une acerbité aussi vaine que désagréable ? Non, certes. Mieux valait laisser le mailleur dans ses pensées.
    « Sur quoi médite-t-il ?… Le pain, le vin… Quoi d’autre ?… Faisons la paix. »
    –  C’est vrai, Tiercelet : j’ai mes nerfs… Disant cela, je m’efforce à rire, mais je sais que tu n’es pas dupe… J’ai trop souffert dans cette prison. Mon corps et mon esprit s’y sont pareillement desséchés.
    Tristan se sentait sur le seuil d’une convalescence à laquelle il ne croirait vraiment que loin, bien loin des atteintes de la Darnichot.
    Il avait été enchanté de se découvrir un allié inattendu. Il lui semblait désormais dépendre d’un maître taciturne qui, le moment venu, saurait se montrer

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